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Le terme 'diaspora' est en vogue depuis une vingtaine d'années, certes plus dans la littérature anglophone que francophone. Mais le sens de ce mot n'a cessé d'osciller dans l'histoire, aussi si une diaspora est une réalité sociologique, faut-il repérer les paramètres et les processus qui la définissent. Cet article traite des trois versions qui en sont divulguées à la faveur des questionnements sur le statut des minorités culturelles et de la mondialisation des échanges depuis les années 1980. Il veut montrer combien l'idée de diaspora ne serait être confondue avec les idées de migration prolétaire et de réseau transnational et rappeler ses fondements primordiaux, l'exposition d'une population au risque de violence, d'expulsion et une institutionnalisation communautaire polycéphale, au-delà de frontières nationales, conjurant la menace de dispersion, sinon d'annihilation, en créant des liens. The word 'diaspora' has been fashionable for the last twenty years, particularly in the Anglophone literature. But, as in history, the meaning of the word appeared diverse. This article describes the definitions of the diaspora since the 1980's. It discards the confusion between diaspora and transnationalism easily induced by the economic globalisation and the easiness of communications. It also aims at discarding the confusion between diaspora and forced labour migrations reminding two primordial features of a diaspora in the modern ages: the risk for a population to be exposed to violence and expulsion, its ability to keep at bay the threat by maintaining a community organization through time and boundaries.
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L'auteur se pose la question des fondements historiques du nationalisme et du sentiment national. Examinant le cas français et le cas allemand, l'auteur en vient à débattre des composantes idéologiques et des contextes historiques liés à l'émergence des États-nations en insistant sur la critique de la notion d'individualisme et sur l'importance des racines historiques du processus de cette émergence, particulièrement en France et en Angleterre. The author investigates the historical foundations of nationalism and national sentiment. On the basis of the French and German experience, the author discusses the ideological components and historical contexts linked to the emergence of nation states, with insistence on the critique of the idea of individualism and on the importance of the historical roots of the process of this emergence, especially in France and England.
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Bien que Marc BrieÃÂre suÃÂt pertinemment que je serais en deÃÂsaccord avec plusieurs opinions exprimeÃÂes ou jugements porteÃÂs par lui dans cet ouvrage, il m'a fait l'honneur de m'en demander la preÃÂface. Une telle ouverture d'esprit atteste du libeÃÂralisme authentique de l'auteur, aàmoins que l'amitieÃÂ, entre nous treÃÂs ancienne, n'y ait sa part. Je ne regrette pas d'avoir accepteÃÂ. Tout d'abord, je partage un certain nombre d'ideÃÂes de l'auteur ; quant aàcelles qui me paraissent contestables, elles m'ont forceà- et forceront le lecteur - aàreÃÂfleÃÂchir avec un esprit neuf aànos vieux probleÃÂmes politiques et constitutionnels. Le livre s'adresse avant tout au QueÃÂbec de langue francçaise, mais devrait eÃÂtre destineàeÃÂgalement au Canada anglophone. Marc BrieÃÂre a tout aàfait raison de dire qu'il est temps que celui-ci fasse l'effort de comprendre les aspirations du QueÃÂbec, et j'ajouterais (sans me faire d'illusions) : cesse de se choisir des dirigeants politiques dont le fond de commerce se reÃÂduit aàleur deÃÂtermination aàs'opposer aàtoute volonteàdu QueÃÂbec de remettre en question le feÃÂdeÃÂralisme actuel. Comme l'eÃÂcrit l'auteur, ë cça fait des lunes û que le QueÃÂbec propose des ameÃÂnagements au reÃÂgime veÃÂtuste de 1867, variables selon les partis politiques, mais aucune ouverture seÃÂrieuse n'est venue reÃÂpondre aàcette attente. ë Ouàen sommes-nous ? û est une question qui se pose aàla fois au QueÃÂbec et au Canada. Qu'on se rassure : ce n'est plus ë What does Quebec want ? û. Cela, Marc BrieÃÂre croit le savoir et propose des moyens d'y arriver, que nous pouvons discuter. L'ouvrage se preÃÂsente comme un florileÃÂge de textes que l'auteur juge particulieÃÂrement propres aànous aider aàfaire le point sur l'impasse dans laquelle le pays se trouve, un ensemble de morceaux choisis qu'il commente chemin faisant, le plus souvent poseÃÂment, parfois avec fougue. Aussi m'a-t-il paru que le preÃÂfacier d'une telle anthologie ne pouvait eÃÂchapper, devant la diversiteàdes opinions, aàla tentation d'y ajouter la sienne et d'offrir aàson tour quelques gloses au lecteur. Exercice qui n'est pas fait pour me deÃÂplaire puisque j'ai eu la chance de connaiÃÂtre plusieurs des auteurs seÃÂlectionneÃÂs par Marc BrieÃÂre, notamment Charles Taylor depuis l'eÃÂpoque de nos eÃÂtudes, il y a cinquante ans, et Claude Ryan alors qu'il dirigeait Le Devoir et, plus tard, quand nous sieÃÂgions aàl'AssembleÃÂe nationale (mais non du meÃÂme coÃÂteàde la Chambre). J'ajouterai donc mes commentaires aàceux de l'auteur et me permettrai meÃÂme des remarques et quelques appoggiatures, surtout lorsque, me citant aàla barre, il invoque habilement mon opinion aàl'appui de la sienne, comme c'est le cas aàpropos de la majoriteàë claire û requise des QueÃÂbeÃÂcois aàl'occasion des reÃÂfeÃÂrendums sur la souveraineteÃÂ. En premier lieu, les deux types de libeÃÂralisme identifieÃÂs par Charles Taylor retiendront notre attention, de meÃÂme que sa conception du feÃÂdeÃÂralisme, son attitude aàl'eÃÂgard de la protection de la langue francçaise et son eÃÂvaluation du projet de souveraineteÃÂ-association. Aàla lumieÃÂre des arguments avanceÃÂs par l'un des esprits les plus ouverts du Canada et du QueÃÂbec anglophone, quelles sont les possibiliteÃÂs de conciliation entre ceux-ci et le QueÃÂbec de culture francçaise ? Mes propos porteront ensuite sur l'attitude de Claude Ryan devant l'avis de la Cour supreÃÂme du Canada dans le Renvoi sur la seÃÂcession du QueÃÂbec et la loi feÃÂdeÃÂrale sur la clarteàde la question et de la majoriteàreÃÂfeÃÂrendaires. Son analyse est deÃÂcapante et il montre bien l'absence de fair play dans les manà Âuvres feÃÂdeÃÂrales, mais est-il reÃÂsolu pour autant aàne pas faire le jeu des feÃÂdeÃÂraux aàl'occasion du troisieÃÂme reÃÂfeÃÂrendum ? Peut-on penser un seul instant que la strateÃÂgie consistant aàenfermer les QueÃÂbeÃÂcois dans un choix rigide entre le statu quo et la ë seÃÂparation û laisse le moindre espace politique aàceux qui voudraient renouveler le feÃÂdeÃÂralisme ? Puisqu'aussi bien, aàla lumieÃÂre des opinions collecteÃÂes pour son anthologie, Marc BrieÃÂre estime que les perspectives d'avenir de la souveraineteÃÂ-association sont fort compromises, son propos essentiel est de persuader les QueÃÂbeÃÂcois et tout particulieÃÂrement les indeÃÂpendantistes, de renoncer aàleur projet ou de le mettre ë sur la glace û. Il lui substituerait le ë vaste chantier û de l'adoption d'une constitution formelle du QueÃÂbec dont l'objectif majeur serait la protection des droits des minoriteÃÂs anglophones et autochtones et une meilleure garantie d'application des principes deÃÂmocratiques. Or, n'oublions pas que les citoyens ont deÃÂjaàeÃÂteàconvoqueÃÂs aàaccomplir de semblables deÃÂmarches aàdeux reprises par des Commissions parlementaires, au deÃÂbut des anneÃÂes 1990, qui n'ont deÃÂboucheàque sur des eÃÂchecs. Aàquelles conditions pourrait-il aujourd'hui en aller autrement ? Les risques de voir cet exercice devenir plus diviseur que rassembleur ne doivent-ils pas eÃÂtre eÃÂvalueÃÂs avec soin, sans compter ceux qui ne manqueraient pas d'accompagner l'abandon du projet souverainiste ? Et quel serait le contenu de la nouvelle Constitution ? I Il ressort des interventions treÃÂs mesureÃÂes de Charles Taylor dans le deÃÂbat sur l'avenir du QueÃÂbec et sur l'existence d'une collectiviteàfrancophone distincte, que nous sommes en preÃÂsence, au Canada anglophone, de ë deux conceptions incompatibles de la socieÃÂteàlibeÃÂrale û, dont l'opposition s'est manifesteÃÂe de plus en plus manifestement depuis quelques deÃÂcennies. Ce point de vue philosophique me paraiÃÂt tout aàfait juste, mais l'analyse doit eÃÂtre pousseÃÂe plus en profondeur, si l'on veut comprendre les causes de l'eÃÂcart entre les deux versions du libeÃÂralisme : la classique, issue notamment de Locke, Montesquieu, Bentham et J. S. Mill, et la ë neÃÂolibeÃÂrale û, florissante aux EÃÂtats-Unis depuis la guerre froide et l'effondrement du systeÃÂme sovieÃÂtique, et qui deÃÂteint sur tous les pays soumis aàleur influence, y compris le Canada. Tant que la population francophone ceÃÂdeÃÂe aàla Grande-Bretagne en 1763 a pu se deÃÂfendre contre les colonials anglophones installeÃÂs chez elle en s'adressant au gouvernement ou aux tribunaux britanniques, c'est-aÃÂ-dire, grosso modo, jusqu'aàla fin des anneÃÂes 1940, elle a eu droit, malgreàquelques graves eÃÂcarts, au respect de sa langue et de son autonomie, dans la mesure ouàcela ne compromettait pas les inteÃÂreÃÂts fondamentaux de l'Empire. Celui-ci avait assujetti des peuples parlant de nombreux idiomes et la sagesse impeÃÂriale voulait que l'on ne les provoquaÃÂt pas inutilement. Il est meÃÂme arriveàque le Comiteàjudiciaire du Conseil priveàproteÃÂge le QueÃÂbec des viseÃÂes centralisatrices d'un gouvernement feÃÂdeÃÂral qui se deÃÂcouvrait une mission de nation-building. Or, la Seconde Guerre mondiale a compleÃÂtement bouleverseàl'eÃÂquilibre garanti par Londres. En quelques anneÃÂes, comme le constatait le philosophe George Grant dans son beau livre chagrin, Lament for a Nation [1], tout a basculeà: l'influence eÃÂconomique, financieÃÂre et morale de l'Angleterre, ruineÃÂe par la guerre, a ceÃÂdeàla place aàla preÃÂsence ameÃÂricaine. C'est alors qu'a commenceàla lente mais inexorable ameÃÂricanisation du Canada, bientoÃÂt accentueÃÂe par le deÃÂclin des populations d'origine britannique et francçaise par rapport aux apports allophones. Certes, comme le fait observer Charles Taylor, beaucoup d'Anglo-Canadiens demeurent attacheÃÂs aàleurs racines britanniques et aux institutions qui y puisent leur origine, mais l'influence eÃÂconomique, sociale et culturelle des EÃÂtats-Unis se fait sentir de plus en plus fortement dans la masse des citoyens. Or, notre puissant voisin ne s'est pas construit sur la diversiteàde ses origines, mais, comme le montre Marc BrieÃÂre, sur les principes contraires du melting-pot et de la recherche par les immigrants d'une nouvelle identiteÃÂ, sans compter l'accent mis sur les droits individuels. Le Pr M. Walzer, citeàdans ce contexte, explique qu'un pays baÃÂti sur de tels principes est ë un EÃÂtat neutre qui ne prend aucune responsabiliteàenvers la survivance culturelle de quiconque û. Au contraire, peut-on ajouter, l'hispanisation d'une partie de la population, percçue par certains EÃÂtats de l'Union comme une menace, les pousse aàadopter des lois linguistiques imposant la langue anglo-ameÃÂricaine dans plusieurs aspects de la vie publique. Le libeÃÂralisme change alors de nature et se fait contraignant, car il ne saurait admettre parmi les droits fondamentaux individuels la faculteàde conserver collectivement son identiteà; les Franco-AmeÃÂricains et la Louisiane en on fait l'expeÃÂrience. Nous touchons ici au risque, pour ne pas dire au drame, qui plane sur le QueÃÂbec francçais. Celui-ci se reÃÂclame d'une conception europeÃÂenne libeÃÂrale de la diversiteàdans une AmeÃÂrique du Nord qui n'en a que faire. Et plus le Canada anglophone s'ameÃÂricanise, malgreàla reÃÂsistance de certains de ses intellectuels et dirigeants, moins il a de place pour un peuple linguistiquement et culturellement dissident, tel qu'il le voit transparaiÃÂtre aàtravers la ë socieÃÂteàdistincte û. L'ideÃÂologie neÃÂolibeÃÂrale ou ultralibeÃÂrale qui sous-tend cette attitude est celle-laàmeÃÂme qui explique la mondialisation aàl'ameÃÂricaine, qui ne retient des droits fondamentaux des autres peuples que ceux qui proteÃÂgent la proprieÃÂteÃÂ, les investissements et les privatisations, eÃÂcartant, au nom de la liberteÃÂ, des lois du marcheàet de la good governance, les droits sociaux et culturels des populations. C'est dire que le Canada anglophone prend place, plus ou moins consciemment, parmi les pays en voie d'ameÃÂricanisation, pheÃÂnomeÃÂne qui n'eÃÂpargne pas entieÃÂrement le QueÃÂbec francçais. VoilaÃÂ, je pense, la cause profonde de l'intoleÃÂrance du Canada et de sa reÃÂsistance aux aspirations du QueÃÂbec, qui ne manquent pas d'eÃÂtonner un esprit libeÃÂral comme Charles Taylor. Cette ameÃÂricanisation s'insinue jusque dans les raisonnements des tribunaux portant sur la langue de la publiciteàcommerciale et de l'affichage public. Dans un arreÃÂt de 1984, la Cour supeÃÂrieure (dont les juges sont nommeÃÂs par le pouvoir feÃÂdeÃÂral), s'inspirant d'auteurs anglo-canadiens fortement impreÃÂgneÃÂs de droit ameÃÂricain, s'eÃÂtait laisseàentraiÃÂner dans le sillage de la Cour supreÃÂme des EÃÂtats-Unis, selon laquelle d'expression commerciale û (commercial speech) est proteÃÂgeÃÂe par les garanties constitutionnelles relatives aàla liberteàd'expression (freedom of speech). S'appuyant ainsi sur la jurisprudence d'un pays fondeàsur l'assimilation des citoyens, la Cour deÃÂcidait que la liberteàd'expression - pourtant essentiellement politique dans la tradition britannique -, s'eÃÂtendait aàla publiciteàet aàl'affichage. Cette attitude a eÃÂteàconfirmeÃÂe par la Cour d'appel et la Cour supreÃÂme aàl'occasion d'une autre affaire, dans laquelle le QueÃÂbec s'eÃÂtait appuyeàsur la jurisprudence de la Commission et de la Cour europeÃÂennes des droits de l'homme, fondeÃÂe sur le respect de chaque langue sur son territoire. La Cour d'appel a eÃÂcarteàcet argument du revers de la main. Quant aàla Cour supreÃÂme, apreÃÂs avoir reconnu que le raisonnement de la Commission europeÃÂenne posseÃÂdait ë une certaine force convaincante û, elle a constateàsimplement qu'elle n'eÃÂtait pas lieÃÂe par celui-ci et que l'expression commerciale eÃÂtait proteÃÂgeÃÂe constitutionnellement au meÃÂme titre que l'expression politique ; la protection du visage linguistique du QueÃÂbec ne pourrait justifier l'usage exclusif du francçais dans la publiciteàet l'affichage public [2]. Nous en sommes au point ouàmeÃÂme les juges, en principe eÃÂduqueÃÂs et sensibles aàla dimension culturelle des socieÃÂteÃÂs, se rangent parmi ceux que Charles Taylor appelle les ë Nord-AmeÃÂricains anglophones û, qui ne voient dans la langue ë qu'un simple moyen de communication û. On peut de la sorte se faire une ideÃÂe de l'univers mental du commun des mortels.Me trouvant largement en accord avec le diagnostic eÃÂtabli par mon colleÃÂgue de l'UniversiteàMcGill sur la situation du QueÃÂbec, je m'en distancerai cependant au chapitre des solutions qu'il convient d'y apporter. Nos options sont deÃÂtermineÃÂes, au moins partiellement, par nos racines, notre eÃÂducation et les mille liens sociaux qui, comme Gulliver, nous enserrent. Aussi ne songerais-je pas un instant aàlui contester le droit de preÃÂfeÃÂrer le feÃÂdeÃÂralisme ; j'aurais d'autant mauvaise graÃÂce aàle faire que lui-meÃÂme s'efforce vraiment de comprendre l'attachement des QueÃÂbeÃÂcois et Canadiens francophones aàleur culture. Mais tel n'est pas le seul motif que les QueÃÂbeÃÂcois peuvent avoir de rejeter le reÃÂgime feÃÂdeÃÂral. L'une des raisons que Charles Taylor a de consideÃÂrer la souveraineteÃÂ-association comme ë deÃÂsastreuse û tient au fait qu'il y aurait trop de divergences d'inteÃÂreÃÂts et de deÃÂsaccords pour qu'elle soit ë reÃÂalisable û. Justement, n'est-ce pas laàce qui rend le feÃÂdeÃÂralisme issu des institutions coloniales insupportable et empeÃÂche qu'il soit viable aux yeux de bon nombre de QueÃÂbeÃÂcois ? L'argument ressemble fort aàun aveu de la part de notre interlocuteur. Le feÃÂdeÃÂralisme n'est pas non plus ë reÃÂalisable û puisqu'il ne survit au QueÃÂbec que dans la controverse et la crise endeÃÂmique. En outre, ce ne peut eÃÂtre qu'une supposition de la part de Charles Taylor que d'affirmer que la souveraineteÃÂ-association ë finirait certainement mal û, tandis qu'il est patent que le feÃÂdeÃÂralisme n'en finit plus de finir mal. Sans doute craint-il ceux qu'il appelle ultranationalistes, ë pour qui l'association est uniquement une mesure bouche-trou û, mais son eÃÂvaluation de leur influence me paraiÃÂt treÃÂs exageÃÂreÃÂe : la grande majoriteàdes tenants de la souveraineteàtiennent aàune union de type eÃÂconomique (et peut-eÃÂtre sociale si le Canada reÃÂsiste aàl'ultralibeÃÂralisme ameÃÂricain), car ils la tiennent pour indispensable dans le cadre de la mondialisation actuelle. Notre interlocuteur eÃÂvalue-t-il correctement le poids des radicaux ou meÃÂme leurs intentions ? TantoÃÂt il leur preÃÂte le dessein inavoueàde saborder l'association, tantoÃÂt il fait de la souveraineteÃÂ-association ë le projet des ultranationalistes û. Aàquoi ressemblerait le feÃÂdeÃÂralisme que Charles Taylor nous preÃÂsente comme la seule solution de rechange et dont il a d'ailleurs la prudence de nous preÃÂvenir qu'elle ë ne semble pas eÃÂtre pour demain û ? Si, selon lui, la souveraineteàeÃÂchouait sur les eÃÂcueils des divergences d'inteÃÂreÃÂts, quelle serait alors la solution feÃÂdeÃÂrative qui permettrait de passer entre les reÃÂcifs ? Comment pourrions-nous faire en sorte que les inteÃÂreÃÂts de la majoriteàcessent d'eÃÂtre perpeÃÂtuellement majoritaires ? Les QueÃÂbeÃÂcois ont fait de nombreux efforts pour deÃÂfinir dans ses grandes lignes ce que pourrait eÃÂtre une veÃÂritable association Canada-QueÃÂbec : ils ont meÃÂme esquisseàdeÃÂs le reÃÂfeÃÂrendum de 1980 des institutions communes pour les fins d'une eÃÂventuelle neÃÂgociation. Il est grand temps qu'on nous dise comment les dirigeants intellectuels et politiques du Canada entendent renouveler le feÃÂdeÃÂralisme pour que le QueÃÂbec puisse, sans crainte de voir casser ses efforts de protection linguistique, contester ses compeÃÂtences et contrer ses inteÃÂreÃÂts par les organes feÃÂdeÃÂraux (constituant, leÃÂgislatif, exeÃÂcutif, administratif et judiciaire), trouver sa place dans pareil systeÃÂme. Cela tiendrait-il de la quadrature du cercle ?L'ouverture d'esprit de Charles Taylor est aàbien des eÃÂgard remarquable : ils ne sont pas tellement nombreux, les anglophones montreÃÂalais qui sont preÃÂts aàdeÃÂclarer, comme il le fait, ë qu'on ne saurait concevoir un EÃÂtat queÃÂbeÃÂcois qui n'aurait pas la vocation de deÃÂfendre ou de promouvoir la langue et la culture francçaises û. J'en connais quelques autres, geÃÂneÃÂralement d'un haut niveau de culture et parlant fort bien la langue de MolieÃÂre. Comment ne pas eÃÂtre d'accord eÃÂgalement avec l'ideÃÂe que le premier terrain d'entente de la communauteàpolitique queÃÂbeÃÂcoise, qu'il appelle - inexactement, aàmon avis - la ë nation û, sera la ë lutte loyale û entre les diffeÃÂrentes conceptions que les groupes en preÃÂsence se font de cette communauteà? Toutefois, cette loyauteàne sera percçue comme telle que si les anglophones queÃÂbeÃÂcois ne se servent pas systeÃÂmatiquement des institutions feÃÂdeÃÂrales, y compris les tribunaux, et du poids politique du Canada anglophone, sinon meÃÂme du gouvernement de Washington, pour se comporter en majoriteàintransigeante, saper l'une apreÃÂs l'autre les dispositions de la Charte de la langue francçaise et menacer de deÃÂmembrement territorial les QueÃÂbeÃÂcois qui osent vouloir un reÃÂgime plus conforme aàleur eÃÂtre et aàleurs inteÃÂreÃÂts. Je reconnais cependant qu'il peut y avoir de la panique dans cette attitude et je dirai plus loin comment le QueÃÂbec pourrait offrir des garanties plus suÃÂres pour la protection de leurs droits, linguistiques notamment. Il me faut en effet marquer ici mon accord avec Charles Taylor : les deux langues historiques, minoritaires chacune de leur coÃÂteÃÂ, doivent jouir d'un statut garanti, quel que soit l'arrangement politique auquel on en viendra eÃÂventuellement. Qu'on me permette aàce sujet de rappeler un fait peu connu et qui montre la difficulteàde l'entreprise quant aàla protection du francçais en dehors du QueÃÂbec. Vers 1979, dans l'anneÃÂe qui preÃÂceÃÂda le reÃÂfeÃÂrendum, j'avais obtenu, dans le cadre du Conseil canadien des ministres de l'EÃÂducation (CMEC), que ceux-ci acceptent pour l'avenir d'organiser dans les provinces anglophones, surtout dans l'Ouest, l'ouverture d'eÃÂcoles francçaises. Un volumineux et impressionnant rapport, avec cartes geÃÂographiques aàl'appui, teÃÂmoignait d'une recherche fieÃÂvreuse des minoriteÃÂs francophones oublieÃÂes : plusieurs ministres deÃÂcouvraient le probleÃÂme ... Tous tinrent aàse reÃÂunir exceptionnellement aàMontreÃÂal pour rencontrer le premier ministre du QueÃÂbec et sceller ainsi une sorte de pacte. ReneàLeÃÂvesque les rencontra, prit acte de leurs bonnes intentions et les remercia en leur expliquant que le QueÃÂbec avait eÃÂgalement l'intention de respecter les droits minoritaires. Or, au lendemain du reÃÂfeÃÂrendum, le rapport et la bonne volonteàsombreÃÂrent instantaneÃÂment dans l'oubli : plus personne ne se souvenait des engagements de la veille. Nous avions offert la collaboration du QueÃÂbec : il n'en fut plus question. Peut-on, dans l'avenir, s'attendre aàun ë nouveau feÃÂdeÃÂralisme û diffeÃÂrent de celui-laà? S'il n'en tenait qu'aàCharles Taylor, l'effort de compreÃÂhension aàl'endroit du QueÃÂbec serait promis aàde plus grands efforts. Il eÃÂcrit que les Anglo-Canadiens ë n'ont aucune ideÃÂe de l'espace eÃÂtroit û accordeàau francçais ë aux plus sombres moments de notre histoire û : on croirait entendre un francophone du Canada ou du QueÃÂbec. De surcroiÃÂt, peu d'anglophones savent aussi bien exprimer les reÃÂticences du Canada majoritaire aàl'endroit du projet souverainiste. J'en conclus que peu d'hommes publics sont plus aptes que lui aàexpliquer maintenant aux Canadiens anglophones les aspirations queÃÂbeÃÂcoises. Nous appreÃÂcions son message de compreÃÂhension et de conciliation, meÃÂme s'il n'est pas favorable aàla souveraineteÃÂ-association, mais peut-il se faire entendre de ses compatriotes ? Une immense taÃÂche de persuasion l'attend de ce coÃÂteÃÂ, car il se heurtera non pas tant au nationalisme canadien de type Trudeau qu'aàl'ameÃÂricanisation des masses. Pourra-t-on surmonter les attitudes rigides et les meÃÂfiances apparues au grand jour aàl'occasion des deÃÂbats sur les accords du lac Meech et de Charlottetown ? Charles Taylor reconnaiÃÂt que si cette rigiditeàdevait eÃÂtre le dernier mot du Canada, ë alors certes les indeÃÂpendantistes auraient raison et il n'y aurait pas d'autre solution que la souveraineteÃÂ-association û. Combien de temps faudra-t-il avant que nous connaissions ce dernier mot ? Que les minoriteÃÂs de l'Ouest aient disparu et que la francophonie montreÃÂalaise soit devenue minoritaire ? Notre bienveillant interlocuteur rendrait un grand service aàtous les protagonistes en recherchant et deÃÂbattant d'ores et deÃÂjaàce que pourrait eÃÂtre le contenu institutionnel d'une union eÃÂconomique fondeÃÂe sur les notions proposeÃÂes par ReneàLeÃÂvesque et ses successeurs. Ce serait laàune facçon de ë rester ensemble û dans le cadre d'une deÃÂmocratie authentiquement libeÃÂrale, tant sociale que culturelle, qui reconnaiÃÂtrait la ë diversiteàprofonde û de nos socieÃÂteÃÂs. La souveraineteÃÂ-association n'est pas un reÃÂgime entieÃÂrement deÃÂfini d'avance, dont toutes les caracteÃÂristiques seraient arreÃÂteÃÂes une fois pour toutes. L'association, en particulier, doit eÃÂtre adapteÃÂe aux temps, aux mentaliteÃÂs et aux probleÃÂmes, comme le montre bien l'Europe communautaire, de sorte que s'offre aàla discussion, en attendant la neÃÂgociation, une vaste gamme de possibiliteÃÂs. II L'objectif politique que doit poursuivre le QueÃÂbec n'est pas le seul objet de l'ouvrage de Marc BrieÃÂre : les moyens d'y arriver et avant tout le prochain reÃÂfeÃÂrendum sont examineÃÂs aàla lumieÃÂre de l'avis consultatif de la Cour supreÃÂme dans le Renvoi sur la seÃÂcession du QueÃÂbec et du commentaire fort instructif que lui consacrait Claude Ryan devant l'Institut C. D. Howe. La comparaison des reÃÂflexions respectives des deux interlocuteurs est du plus haut inteÃÂreÃÂt, car elle montre l'impasse dans laquelle se sont engageÃÂs depuis 1980 les opposants aàla souveraineteÃÂ-association. Claude Ryan s'est rallieàaàP. E. Trudeau dans les deÃÂbats qui entourent le premier reÃÂfeÃÂrendum. A-t-il cru aux promesses de renouvellement du feÃÂdeÃÂralisme faites par le premier ministre ? Si tel est le cas, il a eu plusieurs occasions de regretter son roÃÂle dans la deÃÂfaite du ë oui û. Peut-eÃÂtre cela explique-t-il la distance qu'il tient aàprendre par rapport au comportement feÃÂdeÃÂral, particulieÃÂrement depuis le reÃÂfeÃÂrendum de 1995 : ni l'avis de la Cour supreÃÂme ni le projet de loi C-20 ne trouvent graÃÂce aàses yeux. Les deux sujets sont d'ailleurs intimement lieÃÂs puisque le gouvernement ChreÃÂtien preÃÂtend s'eÃÂtre fondeàsur l'avis pour faire adopter par le Parlement la loi sur la ë clarteàû requise par la Cour, tant aàl'eÃÂgard du libelleàde la question reÃÂfeÃÂrendaire que de la majoriteàrequise pour creÃÂer l'obligation de neÃÂgocier le changement de statut souhaiteàpar les QueÃÂbeÃÂcois. L'ancien journaliste et homme politique constate que, de 1968 aà1984, sous le reÃÂgne de P. E. Trudeau, tous les projets de reÃÂforme constitutionnelle ë tendaient davantage aàneutraliser ou aàminimiser les attentes du QueÃÂbec qu'aàles inteÃÂgrer positivement dans la Constitution û. Cette analyse lucide lui fait sans doute comprendre que les strateÃÂgies d'eÃÂtouffement des aspirations du QueÃÂbec francophone ne font que se poursuivre avec les manà Âuvres strateÃÂgiques plus reÃÂcentes des feÃÂdeÃÂraux. C'est avec raison qu'il reproche aàla Cour de n'avoir pas respecteàle silence de la Constitution au sujet de la seÃÂcession d'un EÃÂtat membre de la feÃÂdeÃÂration. Les preÃÂceÃÂdents ne manquent pas, en effet, dans lesquels les tribunaux refusent de reÃÂpondre aàdes questions auxquelles le droit n'apporte pas de reÃÂponse et qui leur paraissent donc non justiciables. La Cour pouvait renvoyer les questions aàl'areÃÂne politique, mais elle a choisi de jouer le jeu qui lui eÃÂtait proposeÃÂ. Claude Ryan, que le pouvoir feÃÂdeÃÂral a su mettre aàcontribution, lui aussi, dans sa lutte contre la souveraineteÃÂ-association, est particulieÃÂrement bien placeàpour saisir le sens de la manà Âuvre et il faut lui savoir greàd'avoir le courage de le dire publiquement. Aussi peut-on s'eÃÂtonner de voir Marc BrieÃÂre, juriste, soutenir que la Cour ë se devait de reÃÂpondre û. Cependant, laàn'est pas le manquement le plus grave aàl'impartialiteàqu'on est en droit d'attendre d'une veÃÂritable justice constitutionnelle. Une fois eÃÂtabli son choix de reÃÂpondre aux questions du gouvernement feÃÂdeÃÂral, la Cour ne le fait qu'aàmoitieÃÂ. Elle laisse en effet planer sur le droit du QueÃÂbec de neÃÂgocier sa seÃÂcession suffisamment de flou juridique et politique pour autoriser toutes sortes de tactiques destineÃÂes aàfrustrer dans les faits le droit deÃÂmocratique du QueÃÂbec de quitter la feÃÂdeÃÂration, droit dont elle constate par ailleurs la leÃÂgitimiteàen theÃÂorie. La Cour ne peut, aux yeux de l'opinion internationale et aàla fin du XXe sieÃÂcle, faire du Canada une prison des peuples, d'ouàla reconnaissance de la leÃÂgitimiteàd'un projet de souveraineteàpoursuivi deÃÂmocratiquement ; mais en s'abstenant de clarifier ce qu'elle entend par question et majoriteàë claires û, elle livre au gouvernement feÃÂdeÃÂral plus d'outils qu'il n'en faut pour faire deÃÂrailler toute deÃÂmarche souverainiste. Il lui eÃÂtait loisible d'eÃÂtre elle-meÃÂme ë claire û, mais elle a choisi - en eÃÂtait-elle parfaitement consciente ? - de laisser le pouvoir anglophone majoritaire deÃÂfinir et modifier au besoin les reÃÂgles du jeu. Peut-eÃÂtre la Cour supreÃÂme n'a-t-elle pas preÃÂvu l'utilisation dont son avis pouvait eÃÂtre l'objet entre les mains des politiciens peu soucieux de fair play et d'une majoriteàparlementaire hostile au fait francçais et au QueÃÂbec. Il y a neÃÂanmoins une certaine continuiteàentre l'avis de la Cour et le projet de loi C-20, dont Claude Ryan prend la mesure lorsqu'il constate que les moyens preÃÂvus par la loi sur ë l'exigence de clarteàformuleÃÂe par la Cour supreÃÂme û sont hautement contestables ë aàla lumieÃÂre du principe feÃÂdeÃÂral et du principe deÃÂmocratique û. Il ne lui eÃÂchappe pas que le gouvernement et le Parlement feÃÂdeÃÂraux font de l'avis une lecture seÃÂlective, aboutissant aàouvrir la porte aàce qu'il appelle un ë deÃÂni de deÃÂmocratie û, puisqu'il leur donne le pouvoir de se prononcer, au lendemain d'un reÃÂfeÃÂrendum favorable aàla souveraineteÃÂ, sur la validiteàdu reÃÂsultat ë en utilisant a posteriori, pour ce faire, des normes autres que celles qui ont normalement cours û. Ces arguments sont difficiles aàreÃÂfuter et laissent Marc BrieÃÂre heÃÂsitant : apreÃÂs avoir eÃÂcrit qu'il ne voit pas dans la loi feÃÂdeÃÂrale ë de quoi fouetter un chat û, ni mise en tutelle, ë ni atteinte aàla deÃÂmocratie, ni attaque contre le QueÃÂbec û, il dira, trois pages plus loin, qu'il est ë assez d'accord û avec le commentaire de Claude Ryan et que le pouvoir feÃÂdeÃÂral ë ne peut imposer unilateÃÂralement au QueÃÂbec un seuil de majoriteàclaire plus eÃÂleveàque celui accepteàdans les reÃÂfeÃÂrendums preÃÂceÃÂdents û. Il y aurait donc de quoi fouetter un chat, pourrait-on ajouter, mais l'auteur estime que le QueÃÂbec serait ë sage û d'adopter la reÃÂgle de la majoriteàabsolue des citoyens inscrits, si ce n'est celle d'une ë majoriteàimportante ou eÃÂlargie û, qui devrait eÃÂtre de l'ordre de 60 pour cent des votants. Aàce propos, l'exposeàde notre auteur appellerait de nombreux commentaires, sinon une protestation amicale de ma part. Pour eÃÂtayer sa theÃÂse selon laquelle la sagesse politique exige une majoriteàrenforceÃÂe au moment du prochain reÃÂfeÃÂrendum, il invoque mes propres arguments en faveur d'une Constitution du QueÃÂbec qui, une fois adopteÃÂe, ne devrait pas eÃÂtre modifieÃÂe sans l'accord des deux tiers des deÃÂputeÃÂs. C'est laàconfondre le droit interne (constitutionnel) et le droit international. Nombreuses sont les constitutions actuellement en vigueur dans le monde qui sont proteÃÂgeÃÂes par des reÃÂgles semblables ou font appel au reÃÂfeÃÂrendum, lequel est acquis aàla majoriteàsimple, comme on vient de le voir en France (reÃÂfeÃÂrendum de septembre 2000 sur le mandat quinquennal du preÃÂsident). Quant aux reÃÂfeÃÂrendums tenus dans le cadre du droit des peuples aàdisposer d'eux-meÃÂmes, la pratique internationale n'exige pas plus que la moitieàdes votants plus un. D'autres aspects du raisonnement de l'auteur deÃÂroutent eÃÂgalement ; apreÃÂs avoir deÃÂclareàque les principes constitutionnels ne sont ici d'aucun secours, si ce n'est pour exiger une majoriteàclaire, et que seule peut s'appliquer la reÃÂgle de la majoriteàsimple ou, ë aàla rigueur û, de la majoriteàabsolue, il propose aux QueÃÂbeÃÂcois de s'imposer aàeux-meÃÂmes une majoriteàrenforceÃÂe qu'aucun autre peuple senseàn'adopterait : les deux tiers ou 60 pour cent ou, au minimum, la majoriteàabsolue. En deÃÂfinitive, sa preÃÂfeÃÂrence va aàla reÃÂgle des 60 pour cent au moins, ë meÃÂme si cela repreÃÂsente une proportion encore plus forte des Franco-QueÃÂbeÃÂcois pour compenser l'opposition naturelle des Anglo-QueÃÂbeÃÂcois au projet de seÃÂcession û. On peut, certes, se persuader que le QueÃÂbec a inteÃÂreÃÂt aàobtenir un reÃÂsultat probant en faveur de la souveraineteÃÂ, donc le pourcentage le plus eÃÂleveàpossible, mais de laàaàs'enchaiÃÂner juridiquement, c'est prendre le risque de se fermer les portes de l'avenir sous le regard increÃÂdule des autre peuples. Je ne doute pas un instant que Marc BrieÃÂre, deÃÂmocrate et libeÃÂral, redoute la tyrannie de la majoriteÃÂ, mais il voudrait en purger le QueÃÂbec par la tyrannie de la minoriteÃÂ. Dans les heures qui suivirent la publication de l'avis de la Cour, le premier ministre feÃÂdeÃÂral, confondant les majoriteÃÂs eÃÂlargies requises pour la modification de la Constitution canadienne avec la majoriteàreÃÂfeÃÂrendaire, faisait dire aàla Cour qu'elle exigeait deÃÂsormais du QueÃÂbec une majoriteàë eÃÂlargie û. Cette interpreÃÂtation treÃÂs personnelle n'a pas reÃÂsisteàaàl'analyse des commentateurs et fut bientoÃÂt abandonneÃÂe. Cependant, il en est resteàquelque chose dans le projet de loi C-20 : le principe deÃÂmocratique, peut-on lire dans le preÃÂambule, ë signifie davantage que la simple reÃÂgle de la majoriteàû, et c'est le Parlement feÃÂdeÃÂral qui deÃÂcidera ce qui constitue une question et une majoriteàclaires. Et pour verrouiller toutes les issues, il est deÃÂclareàqu'une question ne sera pas consideÃÂreÃÂe comme claire si ë elle offre, en plus de la seÃÂcession [...], d'autres possibiliteÃÂs, notamment un accord politique et eÃÂconomique avec le Canada û (article 1er, al. 46). En d'autres termes, le pouvoir feÃÂdeÃÂral tente d'enfermer les QueÃÂbeÃÂcois dans un choix entre le radicalisme de la seÃÂcession pure et simple et le statu quo. Aussi ne saurais-je m'associer aàl'opinion de Marc BrieÃÂre lorsqu'il eÃÂcrit qu'il eÃÂtait ë tout aàfait normal et leÃÂgitime pour le gouvernement feÃÂdeÃÂral de proposer [ce] projet de loi û. PreÃÂcisons que l'AssembleÃÂe nationale pourrait se contenter de poser une question portant sur une nouvelle association ou sur le renouvellement du feÃÂdeÃÂralisme, laissant de coÃÂteàla souveraineteÃÂ. On sait cependant ce que valent pareilles velleÃÂiteÃÂs depuis les eÃÂchecs du lac Meech et de Charlottetown : si la ë socieÃÂteàdistincte û a eÃÂteàrefuseÃÂe, on voit mal comment serait accepteàle moindre eÃÂlargissement de l'autonomie du QueÃÂbec, qui irait aàl'encontre des tendances centralisatrices du pouvoir feÃÂdeÃÂral et de la grande majoriteàdes provinces anglophones. NeÃÂanmoins, l'hypotheÃÂse de Claude Ryan, selon laquelle le QueÃÂbec pourrait soumettre au reste du Canada un ë programme seÃÂrieux û approuveàpar le peuple queÃÂbeÃÂcois, ce qui lui donnerait ë une assise politique treÃÂs forte û aàla table de neÃÂgociation, doit eÃÂtre consideÃÂreÃÂe. Je suis persuadeÃÂ, pour avoir participeàaàdes neÃÂgociations avec le gouvernement feÃÂdeÃÂral, que seule la perspective d'un reÃÂfeÃÂrendum favorable aàla souveraineteàpourrait l'amener aàneÃÂgocier quoi que ce soit de significatif pour le QueÃÂbec. C'eÃÂtait d'ailleurs le postulat de plusieurs libeÃÂraux aàl'eÃÂpoque ouàj'eÃÂtais chef de l'opposition (1973-1976) : en conversation ë derrieÃÂre le troÃÂne û du preÃÂsident de l'AssembleÃÂe, certains nous encourageaient, parfois avec un sourire goguenard, parfois le plus seÃÂrieusement du monde, aàparler le plus souvent possible de souveraineteà: le gouvernement Bourassa comptait laÃÂ-dessus pour faire bouger Ottawa. Mais P. E Trudeau, qui n'eÃÂtait pas sot, eut toÃÂt fait d'eÃÂventer la meÃÂche, et la manà Âuvre, trop habile, conduisit eÃÂventuellement au constat deÃÂsabuseàde Claude Ryan selon lequel, aàla lumieÃÂre de l'histoire des dernieÃÂres deÃÂcennies, le Canada anglais n'est pas preÃÂt aàaccepter de grands changements constitutionnels et ë veut geÃÂneÃÂralement preÃÂserver un gouvernement central fort û. Aussi Marc BrieÃÂre a-t-il raison d'avancer que rien n'indique que le Canada soit ë le moindrement preÃÂt û aàconsideÃÂrer les revendications queÃÂbeÃÂcoises, citant aàl'appui Philip Resnick, observateur treÃÂs perspicace de la vie politique anglo-canadienne, qui montre qu'il n'y a pas de terrain d'entente possible entre le statu quo et la souveraineteàdu QueÃÂbec. Nous divergeons cependant sur la conclusion qu'il y a lieu de tirer de ces faits. Pour ma part, j'estime qu'il faudra plus qu'un projet - fuÃÂt-il ë seÃÂrieux û - de feÃÂdeÃÂralisme renouveleàpour obtenir un changement de cap dans l'ineÃÂluctable tendance anglo-canadienne aàla centralisation. Aucun premier ministre feÃÂdeÃÂral n'a pu eÃÂchapper aàce mouvement, orchestreàpar une haute fonction publique feÃÂdeÃÂrale qui ne perd pas le nord, et c'est convier les QueÃÂbeÃÂcois aàune deÃÂception de plus que de leur faire croire, par exemple, qu'un Stockwell Day pourrait modifier le cours des choses. La strateÃÂgie feÃÂdeÃÂrale aàl'endroit du QueÃÂbec est eÃÂcrite en toutes lettres dans la loi sur la clarteà: puisque, dans les faits, seul un reÃÂfeÃÂrendum favorable aàla souveraineteàpourrait forcer le Canada aàneÃÂgocier quoi que ce soit, il convient d'empeÃÂcher couÃÂte que couÃÂte une consultation populaire d'aboutir aàce reÃÂsultat et si, d'aventure, il se reÃÂalisait, il faudrait exiger une majoriteàplus consideÃÂrable. On comprend l'inquieÃÂtude de nombreux feÃÂdeÃÂralistes queÃÂbeÃÂcois devant cette perspective : Claude Ryan rappelle que la reÃÂgle de la majoriteàsimple ë a toujours preÃÂsideàjusqu'aàmaintenant aàl'interpreÃÂtation du reÃÂsultat des reÃÂfeÃÂrendums tenus aàla grandeur du territoire û. Il ne peut plus compter laÃÂ-dessus pour obtenir des changements constitutionnels significatifs, fuÃÂt-ce meÃÂme ceux que proposait le ë livre beige û. Si les QueÃÂbeÃÂcois s'inclinent devant la strateÃÂgie d'Ottawa, comme semble le faire Marc BrieÃÂre, c'est, pour parler comme F. Fukuyama, la ë fin de l'histoire û pour le QueÃÂbec en ce sens que le statu quo ne saurait eÃÂtre ameÃÂlioreàau plan des principes, ou que la centralisation est le ë point final û de l'eÃÂvolution du feÃÂdeÃÂralisme canadien. Si la souveraineteàpeut seule deÃÂbloquer cette situation, il n'en reste pas moins difficile pour les libeÃÂraux queÃÂbeÃÂcois, architectes de la ReÃÂvolution tranquille, d'admettre qu'ils se sont trompeÃÂs de coÃÂteàlors des reÃÂfeÃÂrendums. C'est pourtant le cas et ils devront reÃÂfleÃÂchir aàcela avant de s'engager dans le troisieÃÂme. La strateÃÂgie feÃÂdeÃÂrale leur reÃÂveÃÂle deÃÂsormais l'avantage tangible qu'aurait le QueÃÂbec aàse preÃÂsenter devant le Canada anglais avec un mandat populaire de faire la souveraineteÃÂ, avec ou sans association : la neÃÂgociation se deÃÂroulerait alors avant tout entre les ë deux majoriteÃÂs leÃÂgitimes û identifieÃÂes par la Cour supreÃÂme. Telle ne serait pas la situation si le QueÃÂbec arrivait aàla table de neÃÂgociation sans autre mandat que d'obtenir des modifications aàla Constitution : il n'y aurait plus alors deux majoriteÃÂs en preÃÂsence, mais dix provinces et le pouvoir feÃÂdeÃÂral, soumis aux modes d'amendement que l'on connaiÃÂt. Et nous voilaàrepartis pour un autre tour de maneÃÂge : Fulton-Favreau-Victoria-Longs-Couteaux-Meech-Charlottetown ... Il ne faut pas se faire d'illusions, cependant, comme le montre l'exposeàde Claude Ryan devant l'Institut C. D. Howe. On ne saurait lui tenir rigueur de preÃÂfeÃÂrer le feÃÂdeÃÂralisme ; c'est son droit. Mais de laàaàproposer des questions pieÃÂgeÃÂes pour le reÃÂfeÃÂrendum, du style ë seÃÂparation politique du Canada, en conformiteàavec la Constitution canadienne û, sachant bien que la ë seÃÂparation û est une ideÃÂe reÃÂpulsive et ne rend pas compte du deÃÂsir de nombreux QueÃÂbeÃÂcois de s'associer avec le Canada pour la poursuite d'objectifs communs. Un peu plus, il nous proposerait de nous arracher au ë plus bon pays du monde û, mais ce serait sans doute laàentrer trop visiblement dans la strateÃÂgie feÃÂdeÃÂrale. La question suggeÃÂreÃÂe par Marc BrieÃÂre, selon laquelle le QueÃÂbec deviendrait ë un EÃÂtat souverain associeàau Canada, selon des modaliteÃÂs qui pourront eÃÂtre arreÃÂteÃÂes d'un commun accord par les deux pays û, paraiÃÂt correspondre davantage aàce que souhaitent une majoriteàde QueÃÂbeÃÂcois, y compris ceux qu'on tente d'intimider avec la loi C-20 et autres ë plans B û. Au prochain reÃÂfeÃÂrendum, une fois reÃÂunies les conditions favorables, le QueÃÂbec doit poser la question qui lui convient, c'est-aÃÂ-dire celle qui refleÃÂtera le mieux, au moment ouàelle sera deÃÂbattue et adopteÃÂe, la volonteàmajoritaire de son peuple. Le refus du Parlement feÃÂdeÃÂral d'accepter toute formulation qui ne serait pas axeÃÂe uniquement sur la seÃÂparation ou la seÃÂcession paraiÃÂtra deÃÂraisonnable non seulement aux QueÃÂbeÃÂcois, qui verront le reÃÂgime tel qu'il est, mais aàl'opinion internationale, dont le roÃÂle deviendra alors deÃÂterminant. III La reÃÂflexion de Marc BrieÃÂre le conduit, dans un post-scriptum adresseàaux membres du Parti queÃÂbeÃÂcois, aàleur conseiller de mettre provisoirement de coÃÂteàleur ë reÃÂve d'indeÃÂpendance û. Ils devraient s'adonner plutoÃÂt aàl'eÃÂlaboration d'une nouvelle constitution du QueÃÂbec, pense-t-il, reÃÂdigeÃÂe en fonction de son statut autonome actuel et qui permettrait, en associant toutes les composantes de la socieÃÂteàqueÃÂbeÃÂcoise, de reÃÂaliser le ë QueÃÂbec nation-building û dont il se fait l'avocat. On pourrait ainsi reÃÂunir eÃÂventuellement de ë veÃÂritables conditions gagnantes û. Il avait deÃÂjaàproposeàcette deÃÂmarche constituante, il y a quelques mois, dans un ouvrage fort stimulant intituleàPoint de deÃÂpart ! Essai sur la nation queÃÂbeÃÂcoise [3], en vue de permettre au QueÃÂbec de reprendre l'initiative par un ë projet rassembleur û. Il y revient plus longuement dans les pages du preÃÂsent ouvrage, faisant usage notamment de textes que j'ai commis en faveur de l'adoption d'une constitution formelle par le peuple du QueÃÂbec. Il convient de le dire d'entreÃÂe de jeu : autant je souscris aàl'ideÃÂe d'une nouvelle Constitution du QueÃÂbec et des objectifs qui la sous-tendent, autant j'estime qu'il serait hasardeàde mettre le projet de souveraineteàë sur la glace û, selon l'expression de l'auteur. Si l'on devait faire deÃÂpendre la tenue d'un reÃÂfeÃÂrendum de la reÃÂdaction d'une constitution ou de son adoption, on prendrait le risque de voir tous les eÃÂleÃÂments hostiles aàla souveraineteàretarder sans cesse la deÃÂmarche en suscitant d'interminables deÃÂbats sur d'innombrables revendications ; le projet deviendrait rapidement diviseur. L'autre hypotheÃÂse serait celle d'un deÃÂlai de quelques anneÃÂes fixeàpar le gouvernement avant la tenue du prochain reÃÂfeÃÂrendum, ce qui comporte aàla fois un signal donneàaux feÃÂdeÃÂraux, leur permettant d'agir aàleur guise dans l'intervalle, et le risque de ne pouvoir reÃÂagir en toute liberteàlorsque des conditions favorables seraient reÃÂunies, peut-eÃÂtre inopineÃÂment. En revanche, la deÃÂmarche constituante me paraiÃÂt compatible avec le reÃÂfeÃÂrendum sur la souveraineteÃÂ, pour peu qu'elle reÃÂponde aàcertaines exigences relatives au contenu et aàla proceÃÂdure. Dans son Point de deÃÂpart, Marc BrieÃÂre nous donnait un apercçu du contenu d'un projet de constitution formelle (car le QueÃÂbec posseÃÂde deÃÂjaàune constitution composeÃÂe d'eÃÂleÃÂments divers, coutumiers, conventionnels et leÃÂgislatifs) [4], qui soit en meÃÂme temps un projet de socieÃÂteÃÂ. Cette loi fondamentale, proteÃÂgeÃÂe par un mode d'amendement speÃÂcial, traiterait des institutions et des droits reconnus aux personnes et aux minoriteÃÂs, notamment anglophones et autochtones, ainsi que des pouvoirs deÃÂvolus aux reÃÂgions ; la Charte de la langue francçaise serait constitutionnaliseÃÂe. Faut-il commencer, dans ë le QueÃÂbec que nous avons deÃÂjaàû, c'est-aÃÂ-dire autonome dans le cadre feÃÂdeÃÂral, par proclamer la souveraineteàdu peuple queÃÂbeÃÂcois ? S'il veut deÃÂsigner par laàle droit de ce peuple de disposer de lui-meÃÂme, il faut clairement affirmer celui-ci, mais s'il entend la faculteàdu QueÃÂbec de deÃÂterminer lui-meÃÂme l'eÃÂtendue des compeÃÂtences qu'il entend exercer (qui est la deÃÂfinition juridique de la souveraineteÃÂ), ce serait anticiper sur la deÃÂcision des QueÃÂbeÃÂcois. Par ailleurs, l'ideÃÂe d'un reÃÂgime reÃÂpublicain aàl'inteÃÂrieur du reÃÂgime monarchique est irreÃÂalisable dans le cadre actuel : elle neÃÂcessiterait une modification de la constitution canadienne, en l'occurrence aàl'unanimiteàdes LeÃÂgislatures provinciales et du Parlement feÃÂdeÃÂral (article 41a de la Loi constitutionnelle de 1982). Naturellement, ces changements deviendraient possibles avec la souveraineteÃÂ. Au chapitre des institutions, il me paraiÃÂt inopportun de les modifier en profondeur avant ou apreÃÂs l'entreÃÂe en souveraineteÃÂ. En d'autres termes, sur ce point, la Constitution d'un QueÃÂbec autonome, que la communauteàpolitique pourrait et devrait se donner avant la souveraineteÃÂ, demeurerait inchangeÃÂe apreÃÂs. Nous avons acclimateàle parlementarisme britannique et, sous reÃÂserve d'ajouter aàl'AssembleÃÂe nationale des eÃÂleÃÂments de repreÃÂsentation proportionnelle, comme le propose l'auteur, aucun argument majeur ne milite en faveur d'une modification de nos habitudes, du moins au plan constitutionnel. Quant aàl'ideÃÂe de Guy Laforest de ë reÃÂinventer une deuxieÃÂme chambre pour notre temps û, approuveÃÂe par Marc BrieÃÂre, je m'y opposerais, sachant les difficulteÃÂs que nous avons eues aànous deÃÂfaire de l'ancien Conseil leÃÂgislatif et ayant de surcroiÃÂt aàl'esprit les probleÃÂmes susciteÃÂs aàWestminster et aàOttawa par ces vestiges d'un autre aÃÂge. En effet, si les membres de cette chambre sont nommeÃÂs, comme ils le sont geÃÂneÃÂralement dans les reÃÂgimes d'inspiration britannique, on aboutit aàun nid de bourdons au service du gouvernement qui les a nommeÃÂs ou, s'ils sont d'un parti majoritaire diffeÃÂrent, faisant de l'obstruction systeÃÂmatique jusqu'aàce qu'on les menace de nouvelles nominations. S'ils sont eÃÂlus, leur leÃÂgitimiteàeÃÂtant comparable aàcelle de la chambre basse, ils auront tendance aàs'opposer par principe aàcelle-ci lorsque le meÃÂme parti ne sera pas aux commandes des deux chambres ; et s'il l'est, l'une ou l'autre devient superfeÃÂtatoire. Aàmoins qu'il ne s'agisse d'une assembleÃÂe purement consultative formeÃÂe de repreÃÂsentants deÃÂleÃÂgueÃÂs par les reÃÂgions, les corps intermeÃÂdiaires ou les organisations non gouvernementales, auquel cas il n'est pas besoin d'assumer les frais d'une chambre permanente. Il existe d'autres moyens de proteÃÂger effectivement les droits de tous les groupes qui forment la communauteàpolitique queÃÂbeÃÂcoise, ce qui nous conduit au chapitre des droits fondamentaux. L'une des conditions de l'eÃÂmergence d'une veÃÂritable communauteàpolitique et du sentiment d'appartenance qui lui confeÃÂre son pouvoir inteÃÂgrant est, comme l'a bien vu Marc BrieÃÂre dans Point de deÃÂpart, le principe de l'eÃÂgaliteàde tous les citoyens. C'est laÃÂ, en effet, un corollaire du reÃÂgime deÃÂmocratique que l'on retrouve dans la plupart des constitutions modernes : eÃÂgaliteàdevant la loi, certes, mais aussi et plus preÃÂciseÃÂment eÃÂgaliteàdes droits politiques qui constituent la citoyenneteÃÂ. Dans les propos citeÃÂs par l'auteur, j'ai montreàque cette notion de citoyenneteàest distincte de celle de nationaliteÃÂ, celle-ci se rattachant aàla souveraineteàd'un EÃÂtat. Il est vrai que la langue anglo-ameÃÂricaine creÃÂe une confusion entre citizenship et nationality, tout comme elle tend aàconfondre nation et state, mais ces notions n'en sont pas moins distinctes. La nouvelle Constitution pourrait donc deÃÂfinir la citoyenneteàqueÃÂbeÃÂcoise, c'est-aÃÂ-dire les droits de tous les citoyens, sans discrimination quelconque, de participer aàla vie publique, d'eÃÂtre eÃÂlecteur, de se porter candidat aux diverses eÃÂlections et d'acceÃÂder aux postes de la fonction publique (dans ce dernier cas aàcondition qu'ils aient une connaissance suffisante de la langue commune). L'inclusion dans la future Constitution formelle de la Charte de la langue francçaise et de la Charte queÃÂbeÃÂcoise des droits de la personne, que propose Marc BrieÃÂre, s'impose en effet. Dans le monde entier, les EÃÂtats sont devenus, au cours des dix dernieÃÂres anneÃÂes, c'est-aÃÂ-dire depuis l'effondrement du bloc sovieÃÂtique, de veÃÂritables chantiers constitutionnels, particulieÃÂrement en Europe centrale et orientale, en Afrique et en Asie. Presque invariablement, ce mouvement a porteàavant tout sur la garantie des liberteÃÂs et droits fondamentaux et l'instauration de l'EÃÂtat de droit, qui en assure la protection. Le QueÃÂbec, influenceàpar sa nouvelle ouverture sur le monde et l'eÃÂvolution des ideÃÂes en Occident, a anticipeàce mouvement en adoptant sa propre Charte des droits en 1975. Si la Charte de la langue francçaise (1977) n'a pas eÃÂteàconstitutionnaliseÃÂe, l'AssembleÃÂe nationale a voulu donner aàla Charte des droits de la personne un statut ë quasi constitutionnel û en deÃÂcidant qu'aucune autre loi, meÃÂme posteÃÂrieure, ne peut deÃÂroger aux liberteÃÂs, aàl'eÃÂgaliteàou aux droits politiques et judiciaires, aàmoins de le faire expresseÃÂment (article 52). La nouvelle Constitution pourrait, sans attendre la souveraineteÃÂ, renforcer cette protection en affirmant plus clairement la supeÃÂrioriteàde la Charte constitutionnaliseÃÂe par rapport aux lois ordinaires et en la mettant aàl'abri des changements intempestifs par un mode d'amendement plus exigeant. Aàl'exception de cette disposition, il ne me paraiÃÂt pas utile d'adopter une ë nouvelle û Charte des droits de la personne, comme le propose l'auteur : le texte actuel refleÃÂte assez fideÃÂlement l'eÃÂtat de la socieÃÂteàqueÃÂbeÃÂcoise et ce serait deÃÂjaàun progreÃÂs que d'en mieux garantir la mise en à Âuvre effective, notamment aàl'eÃÂgard des droits eÃÂconomiques et sociaux (le fameux chapitre IV). La constitutionnalisation de la Charte de la langue francçaise, si maltraiteÃÂe par les tribunaux, est inseÃÂparable de celle des droits de la minoriteàanglophone, qui font deÃÂjaàl'objet d'une certaine protection dans la Charte elle-meÃÂme. Comme le montrent fort bien Marc BrieÃÂre et GeÃÂrard Bouchard, c'est aàce chapitre qu'il faudra faire preuve d'esprit d'ouverture et d'innovation. L'objectif rechercheàest de concilier la protection du francçais, langue commune de la socieÃÂteàpolitique, et celle des droits historiques de la minoriteàanglophone. L'auteur a bien deÃÂcrit l'ampleur de la taÃÂche dans Point de deÃÂpart et Charles Taylor ne dit pas autre chose lorsqu'il eÃÂcrit que le ë nous û qui s'affirme aux moments deÃÂcisifs doit englober tous les citoyens. MeÃÂme les anglophones qui n'adheÃÂrent pas aàce ë nous û ont des droits linguistiques et le fait de les reconnaiÃÂtre dans la Constitution du QueÃÂbec pour le preÃÂsent et pour l'avenir peut contribuer aàapaiser les tensions. Ici encore, la reÃÂdaction constitutionnelle doit viser aàgarantir deÃÂs maintenant des droits minoritaires qui continueront de s'appliquer apreÃÂs l'entreÃÂe en souveraineteÃÂ. La neÃÂgociation de ces droits, mentionneÃÂe par la Cour supreÃÂme, n'en serait que faciliteÃÂe. Naturellement, le QueÃÂbec devra deÃÂfendre les droits de toutes les minoriteÃÂs francophones du Canada et tenter d'obtenir pour elles le reÃÂgime le plus favorable possible, comme nous l'avons fait avant le reÃÂfeÃÂrendum de 1980, mais je partage l'avis de Marc BrieÃÂre, selon lequel les injustices dont ont eÃÂteàvictimes les francophones au Canada anglais ne justifieraient pas que nous nous montrions aussi partiaux et intoleÃÂrants aàl'endroit de notre minoriteàanglo-queÃÂbeÃÂcoise. L'eÃÂtendue de l'autonomie gouvernementale des Autochtones devrait eÃÂgalement eÃÂtre preÃÂvue et garantie dans notre Loi fondamentale. La ReÃÂsolution deÃÂposeÃÂe devant l'AssembleÃÂe nationale aàce sujet, en deÃÂcembre 1984, adopteÃÂe en mars 1985, reconnaissait deÃÂjaàl'existence des communauteÃÂs et bandes ameÃÂrindiennes et inuit, que ReneàLeÃÂvesque avait accepteàde qualifier de ë nations û, ce qui fut consideÃÂreàpar plusieurs AmeÃÂrindiens comme un geste d'ouverture de la part du gouvernement [5]. La ReÃÂsolution reconnaissait les droits ancestraux existants ou conventionnels, leur droit aàl'autonomie au sein du QueÃÂbec, le droit aàleur culture, aàleur langue et leurs traditions, le droit de posseÃÂder et de controÃÂler des terres, de chasser et de participer aàla gestion des ressources fauniques, enfin le droit de participer au deÃÂveloppement eÃÂconomique du QueÃÂbec et d'en beÃÂneÃÂficier, ë de facçon aàleur permettre de se deÃÂvelopper en tant que nations distinctes ayant leur identiteàpropre û. Cette ReÃÂsolution avait fait l'objet de nombreux entretiens avec les Autochtones depuis 1982, eÃÂpoque au cours de laquelle le premier ministre m'en avait confieàla responsabiliteÃÂ, et le gouvernement avait mis par eÃÂcrit ë quinze principes û en reÃÂponse aàautant de demandes des groupes inteÃÂresseÃÂs. Ces principes avaient servi de fondement aàla reÃÂsolution de l'AssembleÃÂe nationale et le gouvernement y eÃÂtait inviteàaàpoursuivre la deÃÂmarche en vue de ë mieux reconnaiÃÂtre et preÃÂciser leurs droits û et d'eÃÂtablir entre la socieÃÂteàqueÃÂbeÃÂcoise et ces collectiviteÃÂs ë des rapports harmonieux fondeÃÂs sur le respect des droits et la confiance mutuelle û. Ces objectifs n'ont pas cesseàd'eÃÂtre pertinents. La ReÃÂsolution affirmait d'ailleurs la volonteàdu gouvernement d'inclure ë dans ses lois fondamentales û les droits ayant fait l'objet d'accords avec les diverses nations. Le premier ministre avait meÃÂme offert, aàcompter de 1983, de creÃÂer un forum parlementaire qui se serait reÃÂuni chaque anneÃÂe pour revoir la situation, mais le gouvernement fut deÃÂfait en 1985 et le successeur de ReneàLeÃÂvesque ne tint aucun compte de ces engagements. Les eÃÂveÃÂnements dramatiques de 1990 furent, dans une large mesure, la conseÃÂquence de cette absence de dialogue. Le deÃÂsir des Autochtones de maintenir des liens avec le Canada est mentionneàavec raison par Claude Ryan. Ils consideÃÂrent le Parlement d'Ottawa comme le fiduciaire de leurs inteÃÂreÃÂts depuis que la Grande-Bretagne s'est eÃÂclipseÃÂe. Je doute que ces liens soient, comme le pense Marc BrieÃÂre, ressentis comme une ë appartenance û (les nations que j'ai connues n'appartiennent qu'aàelles-meÃÂmes), mais elles ont depuis longtemps acquis l'habitude de neÃÂgocier avec Ottawa et les communauteÃÂs queÃÂbeÃÂcoises comptent sur l'appui des Autochtones du reste du Canada, beaucoup plus nombreux. Ce deÃÂsir est leÃÂgitime et il paraiÃÂt sage, dans la perspective de la souveraineteàdu QueÃÂbec, de faire en sorte que les rapports des Autochtones avec le Canada et le QueÃÂbec fassent l'objet de politiques communes, geÃÂreÃÂes au besoin par des institutions relevant de l'Association. En attendant, les discussions entourant la Constitution du QueÃÂbec pourraient fort bien permettre de mieux preÃÂparer l'avenir et de rasseÃÂreÃÂner ces rapports. Les communauteÃÂs culturelles, dont la preÃÂsence dans la socieÃÂteàpolitique est plus reÃÂcente, doivent eÃÂgalement avoir part aàl'eÃÂlaboration de la Constitution. Il en existe plusieurs dizaines et leurs langues respectives n'ont pas les meÃÂmes titres que l'anglais aàla protection de l'EÃÂtat ; on se souviendra cependant des programmes mis aàla disposition des communauteÃÂs les plus nombreuses par le ministeÃÂre de l'EÃÂducation pour l'apprentissage de leur langue maternelle chez les enfants. C'est laàune politique visant plusieurs objectifs : teÃÂmoigner du fait que le QueÃÂbec veut inteÃÂgrer, non assimiler, les immigrants qu'il accueille et, du meÃÂme coup, faire comprendre son propre attachement aàla peÃÂrenniteàdu francçais. Il est vrai que malgreàbien des efforts de la part du gouvernement, notamment l'eÃÂnonceàde politique de 1981, intituleàAutant de facçons d'eÃÂtre QueÃÂbeÃÂcois, nous n'avons reÃÂussi que partiellement aàconvaincre les minoriteÃÂs culturelles d'adheÃÂrer aàune collectiviteàpolitique de langue francçaise. Il ne faut pas y renoncer pour autant, pas seulement pour ameÃÂliorer le score au prochain reÃÂfeÃÂrendum, mais parce que la diversiteàest un bien en soi, pour peu qu'elle n'empeÃÂche pas la communauteàpolitique de se former et se consolider. Certes, les membres de ces groupes qui ont immigreàë en AmeÃÂrique du Nord û et qui veulent s'y fondre, ne sont gueÃÂre candidats aàl'inteÃÂgration qu'on leur propose dans la socieÃÂteàfrancophone, mais d'autres, souvent francophones d'ailleurs et heureux de l'eÃÂtre, nous ont deÃÂmontreà- GeÃÂrald Godin et moi-meÃÂme en eÃÂtions teÃÂmoins -, qu'ils eÃÂtaient sensibles aàl'inteÃÂreÃÂt que nous portions aàleur culture et n'attendaient souvent qu'une ouverture de notre part pour adheÃÂrer au projet d'une socieÃÂteàpolitique francophone dans laquelle s'inscrit eÃÂgalement une minoriteàd'origine britannique dont les droits sont garantis. Ces preÃÂoccupations au sujet des droits des Anglo-QueÃÂbeÃÂcois, des Autochtones et des communauteÃÂs culturelles meÃÂnent tout droit aux conclusions pratiques de l'ouvrage qu'on va lire : l'eÃÂtablissement d'un ë vaste chantier û rejoignant tous les groupes en vue de l'eÃÂlaboration d'une constitution formelle. La deÃÂmarche est ambitieuse, peut se reÃÂveÃÂler stimulante et beÃÂneÃÂfique pour le QueÃÂbec, qu'il soit autonome ou souverain, mais elle est eÃÂgalement deÃÂlicate, semeÃÂe d'embuÃÂches. Elle sera percçue par certains feÃÂdeÃÂralistes comme une manà Âuvre en vue de preÃÂparer l'indeÃÂpendance et, effectivement, il sera difficile de n'en pas envisager l'eÃÂventualiteÃÂ. MeÃÂme si l'initiative paraiÃÂt de nature aàconsolider les fondements de la socieÃÂteàqueÃÂbeÃÂcoise et devrait donc rallier tous les acteurs politiques, il s'en trouvera pour tenter de la faire avorter. La creÃÂation d'une assembleÃÂe constituante avant l'entreÃÂe en souveraineteàrisque de multiplier ces inconveÃÂnients : le projet peut achopper sur la composition meÃÂme de l'organisme. Aussi le ë chantier û doit-il, aàmon avis, eÃÂtre restreint aàses deÃÂbuts et prendre la forme preÃÂparatoire d'une commission parlementaire, laquelle pourrait eÃÂtre eÃÂlargie aàla manieÃÂre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du QueÃÂbec (dite BeÃÂlanger-Campeau) [6], qui tint des seÃÂances publiques aàcompter de 1990. La nouvelle Commission preÃÂparerait un projet destineàaàs'appliquer dans un QueÃÂbec autonome, mais dont les garanties seraient destineÃÂes aàeÃÂtre maintenues apreÃÂs l'entreÃÂe en souveraineteÃÂ. Ce projet serait ensuite adopteàpar l'AssembleÃÂe nationale, puis approuveàpar reÃÂfeÃÂrendum. Un mode d'amendement y serait preÃÂvu, faisant appel aàla ratification populaire des modifications, et pourrait comporter, advenant la souveraineteÃÂ, la convocation d'une assembleÃÂe constituante, dont les conclusions seraient eÃÂgalement sujettes aàl'approbation du peuple tout entier. Faut-il ajouter que l'AssembleÃÂe nationale s'est deÃÂjaàpencheÃÂe sur la possibiliteàd'eÃÂlaborer une constitution ? En 1991, la Commission d'eÃÂtude des questions affeÃÂrentes aàl'accession du QueÃÂbec aàla souveraineteà- eh oui, il a existeàune commission parlementaire de ce nom - a fait preÃÂparer une eÃÂtude sur la ë Constitution provisoire d'un QueÃÂbec souverain û, dans laquelle eÃÂtaient deÃÂcrites les diverses manieÃÂres de proceÃÂder, allant de la loi fondamentale adopteÃÂe par une constituante, avant la creÃÂation de l'EÃÂtat souverain, aàune constitution provisoire, qui aurait mis en place un ë cadre juridique minimal û en attendant la convocation, apreÃÂs l'accession aàla souveraineteÃÂ, d'une assembleÃÂe constituante [7]. Les reÃÂdacteurs de l'eÃÂtude estimaient qu'il ne paraissait pas neÃÂcessaire de modifier l'organisation fondamentale des pouvoirs publics, notamment le reÃÂgime parlementaire, mais que la loi fondamentale pourrait comporter une charte des droits. Dans le meÃÂmoire que j'avais soumis aàcette Commission aàtitre de juriste universitaire, j'avais plaideàen faveur de l'insertion des droits collectifs des francophones, des anglophones et des groupes autochtones dans la Constitution, mais je compris rapidement, lors de ma comparution, que la question n'inteÃÂressait gueÃÂre la majoriteàdes deÃÂputeÃÂs. En reÃÂtrospective, force est de constater que l'exercice ë souverainiste û et constituant organiseàpar le gouvernement libeÃÂral au deÃÂbut de anneÃÂes 1990 n'eÃÂtait pas destineàaàaboutir, mais aàfaire illusion aux yeux des QueÃÂbeÃÂcois et pression sur le ë reste du Canada û apreÃÂs le deÃÂsastre de l'accord Meech-Langevin, dans l'espoir toujours frustreàde renouveler le feÃÂdeÃÂralisme. On sait ce qu'il en est advenu. La deÃÂmarche proposeÃÂe par Marc BrieÃÂre se situe aux antipodes de ce pieÃÂtre simulacre, qui n'a malheureusement pas contribueàaàvaloriser l'ideÃÂe d'une Constitution du QueÃÂbec. Dans l'esprit de l'auteur, il s'agit de donner forme aàun nouveau contrat social entre QueÃÂbeÃÂcois de toutes origines : ce pourrait eÃÂtre laÃÂ, eÃÂcrit-il dans Point de deÃÂpart, non sans un certain lyrisme, ë l'acte de fondation de la nation queÃÂbeÃÂcoise û. Ce serait, aàtout le moins, un acte fondamental dont la valeur symbolique serait consideÃÂrable : le QueÃÂbec, qu'il soit autonome ou souverain, preÃÂciserait son image aux yeux de ses propres citoyens et au regard des autres peuples. Et, comme l'eÃÂcrit Guy Rocher dans les pages qu'on va lire, le document preÃÂsenterait une dimension eÃÂducative dont nous aurions grand besoin. Les principaux teÃÂmoins citeÃÂs par Marc BrieÃÂre dans le recueil de morceaux choisis qu'on s'appreÃÂte aàlire sont des feÃÂdeÃÂralistes aàl'esprit ouvert, qui acceptent le dialogue avec les indeÃÂpendantistes, mais ils n'en sont pas moins des adversaires reÃÂsolus de la souveraineteÃÂ-association. Charles Taylor souhaite contribuer aàcreÃÂer un lieu de rassemblement, non pour eÃÂtre d'accord sur tout, mais pour deÃÂbattre de la ë large gamme de choix û qui s'offre aux QueÃÂbeÃÂcois, sans exclusive : attitude remarquablement libeÃÂrale (au sens philosophique du mot), mais rarissime chez ses compatriotes. Claude Ryan, feÃÂdeÃÂraliste deÃÂcentralisateur, inquiet de la tournure des eÃÂveÃÂnements et peut-eÃÂtre eÃÂtonneàdu comportement de ses coeÃÂquipiers des reÃÂfeÃÂrendums, donne un spectacle de courage impuissant devant leurs manà Âuvres reÃÂcentes. Entre deux mentors de cette qualiteÃÂ, notre auteur est infailliblement guideàvers l'abandon des objectifs souverainistes, du moins pour l'avenir preÃÂvisible, et est ameneàaàse demander comment neÃÂanmoins faire eÃÂvoluer une situation qui lui paraiÃÂt sans issue. Marc BrieÃÂre pense avoir trouveàla solution dans l'eÃÂlaboration d'une nouvelle constitution du QueÃÂbec, qui canaliserait les eÃÂnergies, en faveur d'un rajeunissement des institutions et de l'affirmation des droits des minoriteÃÂs queÃÂbeÃÂcoises. J'irais aàl'encontre des ideÃÂes que j
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