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ULB (6)


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2023 (1)

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2012 (1)

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Film
Ho !
Authors: --- --- ---
Year: 2018 Publisher: [France] : Héliotrope Films,

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Abstract

François Holin, dit « Ho » (Jean-Paul Belmondo), est un ancien coureur automobile qui s'est retiré des courses après avoir été impliqué dans l'accident qui a tué un autre pilote, son ami, et fait depuis le chauffeur pour des malfrats, Canter et les frères Schwartz. Ceux-ci n'ont pas beaucoup de respect pour lui et le considèrent comme un minus. Il fréquente une jeune top-modèle, Bénédicte (Joanna Shimkus), à qui il fait croire qu'il parcourt le monde pour faire des courses automobiles. Canter, le cerveau de la bande, se tue accidentellement avec son arme alors qu'il planifie l'attaque d'un fourgon. Ho propose aux frères Schwartz de faire le coup quand même mais ceux-ci ne veulent rien entendre. François s'obstine et, en prévision du coup, vole une voiture mais se fait arrêter. La police le soupçonne d'être le chauffeur du gang Schwartz mais n'a aucune preuve tangible contre lui. Il est toutefois mis en détention préventive pour vol de voiture. Grâce à un stratagème ingénieux, en se faisant passer pour un codétenu clochard, il parvient à s'évader de la prison de la Santé… Souvent mis de côté par les exégètes du cinéma français, Robert Enrico a, durant toute sa carrière, pâti d’une certaine indécision à son égard. Parfois encore aujourd’hui considéré - à tort - comme un cinéaste commercial, impersonnel, au service de ses comédiens-vedettes, Enrico était, selon des témoignages de collaborateurs, un technicien sûr de son fait, qui préparait énormément sa mise en scène, réfléchissait en fonction de celle-ci aux différentes lectures possibles des scènes qu’il tournait, et faisait sur un plateau souvent preuve d’intransigeance. En observant sa filmographie, on peine ainsi encore à classer - mais le faut-il vraiment ? - un cinéaste ayant enchaîné les comédies populaires et les drames historiques, les triomphes publics et les fours implacables… Pour autant, de son œuvre hétérogène émergent véritablement, pour peu que l’on s’y attarde, des récurrences thématiques - pour ne pas parler d’obsessions - qui invitent à ne pas se contenter d’une insuffisante prime évaluation. Au début de sa carrière, après La Rivière du hibou et La Belle vie, Robert Enrico s’associe, le temps de trois films, avec José Giovanni, l’un des plus importants auteurs policiers français. Leur collaboration est fructueuse, et la bonne entente des deux hommes débouche sur deux grands succès publics (Les Grandes gueules et Les Aventuriers). Leur attention se porte ensuite sur Ho !, roman de Giovanni dont une adaptation avait été tout d’abord envisagée en 1964 par Roger Coggio, avec Serge Reggiani et Pascale Audret dans les rôles principaux. Robert Enrico pense, lui, très vite à Jean-Paul Belmondo pour le rôle de François Holin, dit "Ho !", d’autant que le comédien n’avait rien tourné depuis plus d’un an et souhaitait absolument effectuer son retour dans le registre policier. Les deux hommes ayant comme agent commun Gérard Lebovici, leur rencontre eut très vite lieu, et le tournage débuta en février 1968. Cependant, une fois les prises de vues entamées, José Giovanni Giovanni et Jean-Paul Belmondo réalisèrent vite que Robert Enrico entraînait le film dans une direction différente de celle qu’ils avaient en tête. Lorsqu’il vit le montage final, Belmondo ne cacha pas sa déception, tandis que Giovanni désavoua le film, et fut dès lors conforté dans l’idée qu’il valait mieux mettre en scène ses romans lui-même. Le film recueillit un accueil assez froid, atteignant avec peine le million et demi d’entrées, et la postérité l’a quasiment oublié, le laissant progressivement sombrer dans l’indifférence polie. S’il n’est effectivement pas un grand film, Ho ! vient confirmer ce que nous disions plus haut: il est parfaitement légitime que Belmondo autant que Giovanni ne s’y soit pas reconnus, tant il nous semble avant tout être un film parfaitement « enricoien », et mérite donc en tant que tel tout notre intérêt. Avant de préciser un néologisme qui pourra surprendre, il convient de resituer Ho ! dans la carrière de Jean-Paul Belmondo: en 1968, le comédien sort d’une décennie qui l’a consacré au rang de star, et où il a démontré sa faculté d’adaptation tant aux registres (policier, drame historique, aventures, comédie…) qu’aux cinéastes les plus variés (Godard, Melville, Malle, de Broca…). S’étant fait une spécialité des rôles de monte-en-l’air charismatiques et de voyous au grand cœur, il commence toutefois à confirmer son affection pour ces variations mêlant prouesses physiques et pitreries insolentes qui feront sa légende, jusqu’à la caricature, dans les années 70 (Le Casse, Le Magnifique, L’Incorrigible, Le Guignolo…). Gageons donc, par exemple, que la perspective sur Ho ! de travailler pour la première fois aux côtés du légendaire cascadeur Rémy Julienne ait été pour lui une motivation. Cependant, en découvrant les images d’archives proposées sur le DVD dans lesquelles, en cours de tournage, Belmondo parle de François Holin, on sent que le comédien s’est fait une image du personnage erronée, en tout cas bien différente de celle du réalisateur: Belmondo évoque en effet « un héros moderne avec un mélange de courage et de réserve », qui devient un « gangster narcissique » « couvert de gloire », description qui sied bien mieux à bien des rôles futurs qu’à celui de Ho !. D’ailleurs, sur ces mêmes images, et quasi-simultanément, Robert Enrico évoque « un homme humilié qui se replie sur lui même » et cède ainsi malgré lui à la violence. Cette divergence de point de vue, si elle révèle une partie du désappointement du comédien et probablement, à travers elle, de l’échec du film, permet surtout de mettre le doigt sur un premier élément caractéristique du cinéma de Robert Enrico. En effet, il y a assez peu de « héros » dans la filmographie de Robert Enrico. Car si le cinéaste a donné, au fil des années, quelques uns de leurs plus beaux rôles aux plus grandes stars masculines du cinéma français (Bourvil, Ventura, Delon, Noiret, Serrault…), il s'est moins souvent agi de célébrer leur stature affirmée que de révéler chez eux des faiblesses inattendues, des fêlures indélébiles. L’archétype du personnage principal chez Enrico, c’est le type à bon fond qui, confronté à une expérience traumatisante (Les Aventuriers, Le Vieux fusil, Au nom de tous les miens…), à une humiliation quotidienne (Pile ou face…) ou aux fantômes du passé (Les Grandes gueules…), cède à la violence ou à l’autodestruction. Il s’agit donc souvent de personnages complexes mais attachants, rendus encore plus humains par leurs maladresses ou leurs erreurs, mais qui peinent à s’extraire d’une spirale vicieuse les attirant inéluctablement vers le fond. François Holin ne déroge pas à la règle: les premières scènes nous montrent un brave garçon, médiocre et vaguement nigaud, qui se rêve en gangster. Constamment mis en boîte par les vrais caïds dont il se contente d’être le chauffeur, il va ruminer une revanche qui lui fera enchaîner les mauvaises décisions - le vol de voiture menant à son emprisonnement est particulièrement piteux. Le personnage possède ainsi une réelle composante pathétique, notamment quand il croit toucher à la gloire et agrafe avec fierté les unes de journaux le présentant subitement comme l’ennemi public numéro un. L’évasion ayant attiré sur lui les projecteurs médiatiques, pour astucieuse qu’elle soit, n’avait pourtant rien de glorieuse, et même cette reconnaissance soudaine s’avère être un guet-apens tendu par la police. Holin subit donc son destin plus qu’il ne l’influe, mais il demeure, par aveuglement ou par crédulité, dans l’illusion de sa renommée. A son tour, il cède à la violence, piégé grossièrement par son goût pour les cravates; introduction essentielle à la dernière partie du film, la scène fut tournée à un carrefour parisien, au milieu des passants, filmée au téléobjectif depuis des balcons alentours et s’avère, par cette urgence, l’un des pics d’intensité du film. Par ailleurs, nous l’avons mentionné comme une autre récurrence chez Robert Enrico, François Holin est hanté par son passé, en l’occurrence un accident de course automobile ayant provoqué la mort de l’un de ses amis et lui ayant retiré sa licence de coureur. Le personnage cherche donc à prendre une revanche par rapport à la vie, mais surtout par rapport lui-même, et à cette culpabilité qu’il renie parfois (ses mensonges à Bénédicte) mais qui le ronge. Robert Enrico, fils de garagiste, a souvent utilisé dans ses films les scènes d’action, et en particulier automobiles, comme des illustrations du tourbillon intérieur d’un personnage, d’une évolution funambule sur le fil de la vie, où le destin peut indifféremment basculer d’un côté ou de l’autre. On se souvient par exemple de Roland (Lino Ventura) dans Les Aventuriers poussant son moteur jusqu’à l’explosion face à l’indécision amoureuse de Laetitia. Outre les prouesses de Rémy Julienne, ces séquences automobiles servent donc surtout à enrichir ce personnage enivré par ses rêves de rédemption autant que de grandeur. Par ailleurs, ces séquences affirment également le lien étrange qui unit Holin au journaliste auteur du fameux article à son sujet, Georges Briand. Au départ basée sur un simulacre (Briand n’a écrit que sous la pression de la police), leur relation dévie vers une drôle d’amitié, presque contre-nature, comme Robert Enrico les affectionne. Dans plusieurs films de la filmographie globalement très masculine du cinéaste, on retrouve ce type d’association curieuse, une amitié qui n’a pas besoin d’être justifiée pour être plus forte que tout, malgré les obstacles. Si cette exaltation de la fraternité virile provient au départ en partie de l’ancien taulard qu’était José Giovanni (Les Grandes gueules, Les Aventuriers), on la retrouve, de part en part, chez Robert Enrico, son sommet étant probablement atteint dans l’assez incroyable relation vacharde et fusionnelle entre l’inspecteur de Pile ou Face (Noiret) et son suspect (Serrault). Traitée sur un mode plus discret dans Ho !, l’union inexpliquée entre le gangster et le journaliste participe, à sa manière, au charme curieux d’un personnage en quête de reconnaissance. A travers elle, on sent d’ailleurs dans ce film d’Enrico (celui-ci ne déclarait-il pas que « toute œuvre d’art doit susciter autre chose que simplement ce que l’on voit, au premier degré, sur l’écran ») comme des accents de critique sur la manière dont les médias conditionnent nos visions (la Une consacrée à Ho mais aussi le traitement télévisuel de la cavale des Schwartz), et donc sur l’avènement de la société du paraître: l’amie de Ho, Bénédicte, est une cover-girl, et Ho se convainc progressivement qu’il est une célébrité, par son look et ses élans exhibitionnistes. Lors de sa sortie finale, tandis que les projecteurs s’allument et que les flashs des photographes crépitent, il apparaît comme dirigé par une voix, hors-champ, qui évoque celle d’un metteur en scène. Et tandis qu’il se cache le visage en demandant aux photographes de s’arrêter, quelqu’un lui répond: « T’es connu, on sait que tu aimes jouer les vedettes. » En extrapolant, on y verrait presque moins François Holin que Jean-Pierre Belmondo lui-même, dont la relation avec Ursula Andress était alors ultra médiatisée… Ainsi, pour toutes ces raisons l’inscrivant au cœur même de la filmographie d’un cinéaste qu’il serait temps de réévaluer, et pour toutes celles que nous n’avons pas encore citées (le souci réaliste de Robet Enrico, qui atteint son sommet durant la longue séquence en prison; la ritournelle grave et vive de François de Roubaix…), Ho ! est une œuvre attachante, un film d’apparence mineur qui ne demande, humblement, qu’à se laisser découvrir.

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Film
Le samouraï
Authors: --- --- --- ---
Year: 2012 Publisher: [France] : Pathé,

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Abstract

Jef Costello est un tueur à gages. Il exécute ses contrats froidement, de la façon la plus anonyme possible. Il n’a nulle existence en dehors de sa profession. A la suite du meurtre d’un gérant de boîte de nuit, il est arrêté par la police parmi d’autres suspects. Les témoignages étant contradictoires, il est relâché. Mais les commanditaires du meurtre préfèrent ne pas prendre de risques et tentent d’éliminer leur employé… Comment aborder aujourd’hui Le Samouraï? Car il ne s’agit pas seulement du point culminant de l’œuvre de Jean-Pierre Melville, ni même d’un simple chef-d’œuvre d’un sous-genre - le Film noir à la française en l’occurrence. Le Samouraï est plus que tout cela: c’est une synthèse, un pivot, tout ce qui a précédé mène à lui, ce qui suivra en découlera. Héritier ingrat et infidèle du Film noir américain, celui que Melville vénère, celui de Quand la ville dort, du Coup de l’escalier et quelques autre encore, il influencera tous ceux qui se risqueront dans le polar, en particulier du côté du continent asiatique, les citer tous serait fastidieux - à ce propos, dissipons une légende: si Chow Yun-Fat s’appelle Jef dans The Killer, c’est dû à une invention de l’auteur des sous-titres anglais, non à une volonté d’hommage à Melville - le film s’en charge très bien lui-même. Jusqu’au Deuxième souffle, Jean-Pierre Melville réalisait des films. A partir du Samouraï, il produira des films de Melville. Le style jusqu’à présent en gestation parvient enfin à maturité, l’adjectif "melvillien" fait son entrée dans les dictionnaires de cinéma et son système se met en place, et tournera jusqu’à s’étouffer lui-même, mais ceci est une autre histoire. La rencontre entre Delon et Melville aurait dû se produite avant Le Samouraï. Le réalisateur lui avait en effet proposé le projet Main pleine, que la star avait refusé, prétextant son souhait de se consacrer à une nouvelle carrière outre-Atlantique. Après le succès du Deuxième souffle, Delon exprime son souhait de travailler avec l’homme au Stetson. Celui-ci lui représente le scénario de Main pleine, sans lui préciser qu’il a été tourné par Michel Deville sous le titre Lucky Jo. Delon donne son accord, mais les droits sont impossibles à récupérer. Melville lui offre alors le rôle de Gerbier dans L’Armée des ombres, déjà en gestation. L’acteur refuse et lui demande s’il n’a pas un autre projet qui lui tiendrait à cœur. Melville ressort alors un vieux scénario original écrit en 1963, et se rend chez Delon pour le lui lire. Delon l’interrompt au bout de quelques temps: « Ca fait sept minutes et demi que vous lisez votre scénario et il n’y a pas encore l’ombre d’un dialogue. Cela me suffit. Je fais ce film. Comment s’appelle-t-il? » Melville lui répond: Le Samouraï. Sans dire un mot, il lui demande de le suivre dans sa chambre. Le réalisateur découvre alors un décor ascétique: un lit de cuir, un poignard et un sabre. Le rôle semble fait pour lui. Du reste, il est vraisemblable que ce soit le cas, Melville sachant parfaitement comment séduire la star. Jusqu’à présent, Melville subissait l’influence de ses maîtres; il s’en affranchit avec Le Samouraï. Il prend ce qui l’intéresse. Peu importe que l’essence du genre se perde parfois en chemin, ce qui intéresse Melville c’est parfois une simple iconographie. Le ton est d’ailleurs donné par la phrase d’introduction: le réalisateur crée son propre Bushido pour le faire correspondre à l’histoire qu’il a imaginée. Il n’a que faire du code d’honneur des sabreurs nippons, ce qui l’intéresse c’est la figure du loup solitaire et blessé. Melville se sert dans ce qu’il croit, ou surtout veut comprendre du genre. Jusqu’à présent sous-jacente, l’abstraction fait son entrée dans le système Melville. Elle ne domine pas encore le film dans sa totalité, ce qui sera le cas dans les derniers films. Il y a donc encore de la vie dans les rues de Paris, du côté de Jourdain ou du Châtelet, où l’on retrouve des traces de Bob le Flambeur. Il en va autrement des intérieurs qui, eux, semblent presque conçus pour le théâtre: la chambre de Jef est ascétique au possible, ne comprenant comme mobilier que le strict minimum; seule la présence de l’oiseau en cage apporte de l’humanité à l’ensemble. Le 36 Quai des Orfèvres ne semble composé que de couloirs gris-vert éclairés de néon, à l’exception du bureau de François Perrier - mais la carte du Paris ancien affichée au mur en témoigne, cet homme appartient à une autre époque. Enfin, le club de jazz ressemble à tout sauf à une cave enfumée; Ginette Vincendeau note d’ailleurs très justement que lors du dernier plan, les musiciens débarrassent la scène de leurs instruments tandis que les spectateurs quittent la salle. Ces lieux sont donc des espaces artificiels où se jouent les principaux actes de la tragédie, les personnage ne passent par les espaces réels que le temps de se rendre d’un décor à l’autre. Par ailleurs, Melville n’a que faire du réalisme ou de la vraisemblance - imaginerait-on dans la réalité un tel déploiement de forces de police pour filer un simple suspect? Ainsi, lors des deux meurtres à bout portant commis par Costello, le premier plan montre celui-ci les bras croisés devant lui. Le plan suivant montre sa victime s’emparant d’une arme, puis raccord sur le pistolet de Jef faisant feu, sans qu’on l’ait vu dégainer. Melville joue du temps et de l’espace pour mieux affirmer l’invincibilité quasi inhumaine de son personnage. Car il n’y a que fort peu d’humanité en Jef Costello. Ou, pour être plus exact, l’animal domine largement en lui. Ses commanditaires le comparent à un loup, mais il y a aussi du serpent en lui: impassibilité, mouvements rapides et surtout un regard froid qui paralyse les témoins. Après être passé devant la pianiste suite au premier meurtre, il foudroie chacun des témoins, saisis dans de rapides plans successifs. Il les fixera à nouveau lors de la séance d’identification, causant ainsi des témoignages confus et contradictoires - un seul, trop bravache pour être honnête, déclarera le reconnaître formellement. Bien entendu, le charisme hypnotique de Jef Costello n’est pas sa seule protection. L’homme est un professionnel, son alibi en deux temps est inattaquable et repose sur sa parfaite connaissance du genre humain: d’une part, Jane lui est d’une fidélité absolue - on ignore tout de ses sentiments à l’égard de la jeune femme, si tant est qu’il en ait. Une seule certitude: elle s’accroche au simple fait qu’il ait besoin d’elle, ce qui semble lui suffire. On notera d’ailleurs l’étrange ressemblance entre Alain et Nathalie Delon, raison du choix de Melville, qui à l’origine lui destinait le rôle de Caty Rosier. Dès lors, le personnage de Jane devient un prolongement de Jef, un leurre destiné à tromper ses poursuivants. Plus subtil encore, il manipule Wiener: alors que celui-ci pense dénoncer son rival amoureux, il ne fait que renforcer son alibi. Costello est un professionnel, tous ses actes et leurs conséquences sont méticuleusement planifiés. Dès lors, il ne se soucie de rien en dehors de ce qui a trait à son activité. Un exemple évident nous est donné après le vol de la première voiture: une jeune automobiliste lui adresse un sourire charmeur. Costello ne manifeste aucune réaction, et celle-ci reprend sa route, dépitée. Rien ne peut le faire dévier de sa mission. Une obsession révélatrice d’un désordre mental, rendue explicite par la mise en scène dès la première séquence: après avoir cadré Delon fumant une cigarette allongé sur son lit, Melville amorce un mouvement de caméra. « Au lieu de faire un mouvement assez classique de travelling en arrière compensé par un zoom en avant, fondu, collé, j’ai fait ce même mouvement avec des arrêts. En arrêtant mon travelling arrière pendant que je continuais mon zoom, en reprenant mon travelling, etc., j’ai créé un sentiment de dilatation élastique et non pas de dilatation classique, pour mieux exprimer ce sentiment de désordre. Tout bouge, et en même temps tout reste à sa place… » L’effet produit donne en effet au spectateur une impression de désordre contenu - Melville placera un peu plus tard un plan encore plus chaotique, lors de la tentative de meurtre de Costello sur la passerelle: la scène est montrée en panoramique rapide à travers la barrière, comme vue depuis un train en marche. Dans Le Samouraï, la caméra s’affole lorsque surgit l’imprévu. On l’a dit, Melville emprunte au cinéma ce qui l’intéresse, au mépris de la vérité et de la vraisemblance - jusqu’à preuve du contraire, les séances d’identification sous toise restent une spécificité américaine, d’autant qu’ici les témoins ne sont pas protégés derrière une glace sans tain. Ce qui intéresse Melville dans les films de samouraïs, outre la figure du sabreur solitaire, est le rapport rituel à la mort. Et il a trouvé la matière première parfaite pour incarner cette figure: Alain Delon apporte sa froideur, son masque d’impassibilité au personnage créé par Melville, et finit par créer un archétype. Jef Costello est donc la relecture moderne par Melville de la figure du samouraï, entièrement dédié à sa mission et pourtant devenu ronin, poussé par une pulsion de mort. Car le personnage de la pianiste campé par Cathy Rosier symbolise bien la Mort, qui fascine Costello et qu’il choisit pour lui porter symboliquement le coup de grâce lors de son seppuku dans le club. A l’origine, Costello devait rendre son dernier soupir le sourire aux lèvres - les raisons de ce changement demeurent difficiles à déterminer avec certitude, il se pourrait néanmoins que ce soit le résultat d’une querelle entre Delon et Melville. Il reste qu’aujourd’hui Costello s’effondre en conservant son masque de guerrier.

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Film
Le saut de l’ange
Authors: --- --- --- ---
Year: 2023 Publisher: [France] : Studiocanal,

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Abstract

Marseille. La campagne électorale fait rage et oppose deux clans : une famille corse (les Orsini) et les soutiens d’un entrepreneur véreux qui brigue la mairie. Après l’assassinat de ses frères, Louis Orsini (Jean Yanne) quitte la Thaïlande où il a refait sa vie et revient en France, bien décidé à punir les coupables. Pour son quatrième film, Yves Boisset signe avec Le Saut de l’ange (1971) un films d’action qui croise plusieurs genres, du serial exotique (la première partie du film) aux vigilante movies, du polar aux brûlat politique. Face à Jean Yanne, qui incarne un homme bulldozer prêt à tout pour accomplir sa vengeance au sein d’une ville hantée par le fantôme de Jacques Médecin, on retrouve Sterling Hayden, l’acteur mythique de Quand la ville dort dans le rôle d’un agent du FBI alcoolique venu seconder la police française. Séquences de poursuite, bagarres, trahisons en cascade, hommes de mains asiatiques semant le chaos dans un hôpital, Boisset ne s’interdit rien et témoigne de son plaisir communicatif à filmer.

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Film
Les aventuriers
Authors: --- --- --- ---
Year: 2018 Publisher: [France] : Héliotrope Films,

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Abstract

Manu, pilote surdoué, et Roland, mécano inventif, deux amis unis à la vie à la mort, férus de sports extrêmes et d’aventure, voient leurs projets tomber à l’eau. Pour se consoler de leurs échecs, ils acceptent de partir à la recherche d’un trésor englouti au large des côtes congolaises, à la suite du crash d’un avion. Ils emmènent avec eux Lætitia, une jeune artiste déprimée après une exposition ratée… Alors qu’il vient de connaître enfin un succès public grâce à la réalisation de Les grandes gueules (1965), avec Lino Ventura et Bourvil, le cinéaste Robert Enrico aimerait bien continuer sa collaboration avec le producteur Gérard Beytout et son ami, le romancier José Giovanni. C’est ce dernier qui lui propose d’adapter pour le grand écran son roman Les aventuriers. Toutefois, Robert Enrico n’aime que quelques chapitres au centre de l’œuvre et il propose à José Giovanni de réécrire le reste, en compagnie de Pierre Pelegri, autre complice de longue date. Finalement, les trois hommes arrivent à un script qui leur paraît convaincant. Reste maintenant à décider Lino Ventura, et surtout Alain Delon à qui ils destinent le rôle de Manu. Les tractations furent longues et fastidieuses, comme toujours avec la jeune star qui est connue pour ses exigences et ses coups de gueule. Assez rapidement, Robert Enrico est parvenu à décider Serge Reggiani, malgré la minceur de son rôle. Par contre, le choix de l’interprète féminine a fait l’objet de nombreuses tensions. Effectivement, Robert Enrico a toujours opté pour la débutante Joanna Shimkus dont il aime le physique et le jeu spontané, tandis que les deux stars masculines la trouvent trop inexpérimentée. Finalement, après de multiples prises de bec, Robert Enrico obtient ce qu’il souhaite et révèle ainsi au grand public une jeune actrice au jeu certes fragile, mais bel et bien naturel. Le tournage fut plus serein, malgré quelques inévitables engueulades lorsque plusieurs fortes personnalités sont embarquées dans la même aventure. Si le scénario n’est aucunement un modèle de construction, Robert Enrico compense largement ce défaut par une attention constante envers ses personnages. Et de fait, plus qu’un vrai film d’aventure, Les aventuriers est aussi la description idéalisée d’un ménage à trois qui ne dirait jamais vraiment son nom. D’ailleurs, le platonisme des relations participe grandement à l’attrait que suscite le long-métrage. Là où d’autres cinéastes auraient tourné une sorte de Jules et Jim commercial, Enrico préfère occulter toute dimension sexuelle pour se concentrer sur l’amitié puissante qui noue ces êtres exceptionnels. Robert Enrico cherche effectivement à rendre hommage à l’esprit des pionniers, de ceux qui ne se conforment pas aux normes sociétales pour poursuivre leurs rêves les plus fous. De fait, le spectateur a le sentiment de suivre les pérégrinations de doux rêveurs qui ne parviennent pas à s’accrocher à cette planète et qui, du coup, sont voués à la mort. Personnage incarnant le destin, Serge Reggiani vient casser l’harmonie entre les trois amis et peut ainsi être considéré comme un véritable ange de la mort. Tourné dans de superbes paysages – on adore notamment toutes les dernières séquences dans le Fort Boyard, encore à l’abandon à l’époque – Les aventuriers bénéficie d’une magnifique photographie solaire de Jean Boffety et d’une musique inspirée de François de Roubaix. Mais bien entendu, le film ne serait pas aussi convaincant sans l’alchimie parfaite entre les trois acteurs. Outre la belle et lumineuse Joanna Shimkus, Lino Ventura joue les gros nounours avec toujours autant d’allant, tandis qu’Alain Delon s’affiche plus souriant que jamais dans un rôle positif qui lui va à merveille. Face à une telle affiche et l’ampleur des moyens réunis, les Français se sont rués dans les salles obscures pour découvrir ce film d’aventures qui cherchait à concurrencer les Américains sur leur créneau. Ils furent plus de trois millions à faire le déplacement sur tout le territoire, confirmant une fois de plus l’attractivité de Lino Ventura et d’Alain Delon en tête d’affiche. Le film a donc contribué à affermir leur statut de star, tout en faisant de Robert Enrico un réalisateur à suivre.

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Film
Les grandes gueules
Authors: --- --- --- ---
Year: 2018 Publisher: [France] : Héliotrope Films,

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Abstract

A la mort de son père, Hector Valentin revient d’Amérique pour hériter d’une scierie dans les Vosges. Il exploite avec les pires difficultés sa petite entreprise condamnée à la ruine par la concurrence acharnée de Therraz, l’homme fort de la vallée. Deux hommes sortant de prison vont chercher à gagner les faveurs d’Hector et à travailler dans la scierie. Hector croit en leur amitié et les deux ex-truands vont l’aider à survivre. Ils suggèrent pour cela l’idée d’employer de la main d’œuvre pour le moins bizarre: dix libérés conditionnels… Les Grandes Gueules est l’archétype même du petit film français sans prétention, trop méconnu du grand public et qui bat pourtant des records d’audience lors de chacune de ses nombreuses diffusions télévisées. Il y a une légende qui dit que la France ne sait pas faire des films d’action et encore moins des westerns. Or, ici c’est bien une fable de l’Ouest que le réalisateur Robert Enrico et le scénariste et romancier José Giovanni nous livrent. Et d’un grand cru. Remplacez Monument Valley par le monde des scieries des Vosges avec le méchant qui contrôle toute la région. Dans les westerns traditionnels, c’est du bétail, ici c’est du bois et des parcelles de forêts. Mais voilà qu’arrivent les héros solitaires. Ce sont des ex-détenus. Ils vont aider les petits, les oppressés, mais auront aussi leurs intérêts personnels. Il y a d’autres dizaines de références au genre tout le long du film (le chapeau de Bourvil, sa carabine, les poses magnifiées de Ventura, la cigarette à la main et le regard fatigué, le train …). Mais ce qui aurait pu être une simple série d’hommages, mais surtout de reproduction de la recette du western, se révèle vraiment réjouissant et jubilatoire, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, grâce aux acteurs, premiers comme seconds rôles. Bourvil qui joue ici le rôle d’Hector, en artisan dominé par la situation mais déterminé, est véritablement émouvant du début à la fin et atteint son paroxysme dans la scène finale du film aux côtés de Lino Ventura. Et pourtant, ce film a été réalisé un an après Le Corniaud (1964) et un an avant La Grande Vadrouille (1966) de Gérard Oury. Le spectateur voit alors encore plus le génie de l’acteur, parfaitement crédible en petit entrepreneur qui rêve de pouvoir vivre librement. Ensuite, l’affiche est partagée avec Lino Ventura, qui s’avère comme toujours très bon : ce couple unique qu’il forme avec Bourvil (ils ne joueront plus jamais ensemble par la suite) fonctionne vraiment bien. Lino Ventura se transforme ici en personnage trouble et amoral dont le spectateur apprend qu’il joue un double jeu. Il agit pour lui-même et non par amitié. Rien n’est gratuit, mais les masques tomberont et ses motivations évolueront à la fin du film. Marie Dubois apporte sa touche de féminité à l’œuvre, et même si elle est peu présente sur l’écran, elle tient une place décisive dans le cercle des personnages et les directions qu’ils prendront par la suite. Le film accumule une pléiade de figures familières des amateurs de cinéma français de cette époque qu’il est toujours agréable de retrouver: Jean-Claude Rolland, Michel Constantin (Le Trou de Jacques Becker), Jess Hahn (Cartouche de Philippe de Broca), et d’autres comédiens que nous connaissons sans que, pour beaucoup, il soit possible de les nommer. Seconde raison de la réussite du film: José Giovanni. Cet ancien condamné à mort finalement gracié possède un réel don pour raconter les histoires et pour nous plonger dans un univers pessimiste mais réaliste. Plusieurs de ses romans ont été adaptés, notamment Le Trou (Becker), Le Deuxième Souffle (Melville), Classe tout risque (Sautet) et Deux Hommes dans la ville (Giovanni). Ici, c’est son roman le Haut-fer qui est porté à l’écran par Robert Enrico. Il nous raconte donc ce combat titanesque de David contre Goliath, du patron de petite entreprise contre de gros exploitants. Mais en parallèle à cette bataille, l’auteur traite de la morale et de la vengeance, de l’importance des traditions et des valeurs de ces artisans, mais aussi des préjugés sur les anciens détenus et de l’amitié. Pourtant, malgré la volonté du spectateur, il n’y aura pas de happy end. Ce film se devait de finir tragiquement, et donc de façon très réaliste. L’incendie à la fin du film indique que le personnage de Bourvil, malgré tous ses efforts, a perdu. David s’est fait battre par Goliath, car finalement c’est toujours le plus faible qui meurt. Et lorsque le mot fin apparaît à l’écran, le spectateur a encore en tête toutes les épreuves que cette scierie a vécues: les sabotages, les moqueries, les soulèvements, les tentatives d’évasion et les machinations de vengeance ne sont rien comparativement à cette image des ‘mercenaires’, tous ensemble sur le wagonnet, tentant de vivre honnêtement leur réinsertion en chantant et riant. Une image fraternelle qui n’a pas vieilli. En dehors de ces moments, l’auteur sait nous faire sourire, grincer et compatir grâce à des dialogues qui, sans non plus être du Audiard restent très agréables, mais aussi grâce à une histoire réaliste dans laquelle le niveau de chaque scène est à peu près égal tout du long. La musique (élément essentiel du …western) donne véritablement toute son identité au métrage et adhère parfaitement bien à cet univers de bois qui sent bon la sciure. Encore une fois, il ne faut pas s’attendre à du Ennio Morricone. Pourtant, les quelques notes de François de Roubaix déclinées sur plusieurs rythmes vous resteront un bon bout de temps en tête. Les choix de Robert Enrico, alors jeune réalisateur (il n’a que deux films à son palmarès: La Belle vie et La Rivière du Hibou), s’avèrent souvent justes et remplis de références westerniennes, qui font mouche; c’est un film de genre, sans prétention, mais qui touche par sa sincérité et sa cohérence réaliste.

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Film
Tante Zita
Authors: --- --- --- --- --- et al.
Year: 2018 Publisher: [France] : Héliotrope Films,

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Abstract

Anne et sa mère sont au chevet de la vieille tante Zita qui se meurt. Effrayée par la mort qui approche et épuisée par cette veille interminable, Anne quitte l'appartement et erre dans Paris. Elle va faire plusieurs rencontres - un éleveur de moutons, un musicien, un étudiant haïtien - dans un Paris nocturne plein de surprises. La jeune fille sortira changée de cette longue nuit.

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