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French (1)


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2013 (1)

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Dementia : a John Parker Production

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Abstract

La nouvelle mise en musique. Le groupe Non-Non s'est formé à Roubaix en mai 2012 autour du projet de mise en musique du film Dementia. Formé au départ de Louis-Charles Fumery, Aurélien Jablonka et Julian Rivière (parti ensuite vers d'autres directions), la formation s'enrichira d'un batteur, Raphaël Desquilbet, et enfin d'un bassiste Alexis Wesolowski. Les musiciens de Non-Non sont avant tout artistes plasticiens. Consciemment ou non dans la vision du groupe, sont apparus des parallèles entre la pratique de la gravure et la pratique cinématographique. Dans le cinéma comme dans la gravure, quand ils sont pratiqués de manière engagée, il s'agit de combattre la société du spectacle qui détache les images de leur support, ne prenant pas en compte comme faisant partie de l'oeuvre. Il s'agit d'affirmer la notion d'aura, d'empreinte d'une oeuvre d'art, décrite par Walter Benjamin dans "L'oeuvre d'art à l'heure de sa reproductibilité technique". Le groupe ne veut pas par là rendre un hommage réactionnaire à l'ère pré-numérique, à un art mort et désuet, mais bien au contraire souhaite inscrire dans le présent et l'avenir des approches de l'Art qui soient alchimiques, partant du matériau pour le transcender. La volonté d'affirmer la supériorité des techniques concrètes sur la domination du virtuel. Le graphisme et l'univers surréaliste du film ne sont pas non plus étrangers à l'intérêt que leur ont porté les artistes de Non-Non. S'y ajoutent l'incongruité, la bizarrerie, et le caractère inclassable et subversif de Dementia, film à cheval sur plusieurs esthétiques et époques du cinéma. La diversité des goûts musicaux des membres du groupe (jazz, musique industrielle, grunge, doom, folk, ou simplement musique de film), influence en grande partie l'approche de la nouvelle orchestration du film, passe par les différentes manières d'accompagner musicalement un film : la "musique de fosse" traditionnelle (musique "d'ambiance" se superposant au film), la "sonorisation" du film - et notamment de certains bruitages - et même la "musique source" (musique diégétique, c'est à dire une musique dont la source est présente dans l'image, et audible par les personnages, comme c'est le cas dans le club de jazz). L'on retrouve cette ambiguïté dans les instruments utilisés, comme le theremin ou la guimbarde, dont la pratique se situe entre la musique et le bruitage. Les possibilités de mise en musique de Dementia sont multiples. L'approche de Non-Non se base sur les limites et les moyens du groupe, avec une volonté de servir par la musique une diffusion actuelle de ce vieux de corps mais jeune d'esprit. Dans une chambre d'hôtel, une jeune fille se réveille en sursaut d'un rêve et commence une errance nocturne dans une ville en proie à l'annonce d'un crime mystérieux. D'une ruelle obscure à un club de jazz en passant par la suite luxueuse d'un building, elle croise une galerie de personnages et de situations surréalistes et dangereuses auxquelles elle devra faire face ; son cran d'arrêt dans la poche. Réalisé en 1953 et tourné en seulement six jours, Dementia est l'unique film de John Parker. Alors que le cinéma parlant est déjà depuis longtemps installé et que la couleur commence timidement à apparaître, Dementia est un film muet en noir et blanc. Ce film, gênant dans le contexte de l'Amérique des années 50, est difficilement diffusé. On lui reproche son caractère violent, quasi pornographique et incompréhensible. Le premier obstacle à la diffusion du film a été une lutte avec la censure qui s'est étalée sur plusieurs années. Cette dernière demanda la suppression des images les plus scabreuses et incitatives au crime. Le film a finalement été projeté dans une double programmation "Art/ Psychologie" avec un documentaire sur Pablo Picasso. En 1955, une version écourtée du film fut diffusée sous le nom "Daughter of Horror" agrémentée d'un commentaire en voix off censé rendre le film moins ésotérique. Dementia estresté un film peu visible en dehors des programmations de fin de soirée. Cela a contribué à bâtir la postérité souterraine et l'aura d'étrangeté que le film a encore aujourd'hui. Film outsider mais pourtant intimement lié à l'histoire du cinéma : les extérieurs, très reconnaissables, ont été tournés dans le même quartier que le film d'Orson Welles, "La soif du mal". L'on peut aussi voir dans le film l'acteur nain - non crédité au générique - Angelo Rossito (jouant dans de nombreux films, notamment aux côté de Lon Chaney et Bela Lugosi, mais qui est surtout un des acteurs principaux du Freaks de Tod Browning. De plus, le directeur de la photographie travaillera aussi sur un film passé, lui, à la postérité, comme étant "le plus mauvais film de tous les temps", "Plan 9 from outer space", d'Ed Wood. Enfin, la musique du film dans première version, est de Georges Antheil, connu entre autre pour avoir composé la musique du "Ballet Mécanique" de Fernand Léger, et de films de Fritz Lang, Cécile B. Demille, John Huston et Nicholas Ray. Le script est basé sur le rêve qu'a raconté l'actrice principale, Adriene Barrett, à John Parker dont elle était la secrétaire. Le côté onirique et surréaliste du film a souvent été rapproché des films de Buñuel, particulièrement d'"Un chien andalou", mais il évoque aussi fortement le film d'Hitchcock "Spellbound" ("La maison du Docteur Edwards"), sorti en 1945 (sept ans avant Dementia), et dont le film de John Parker emprunte probablement les scènes de rêves, décorées dans le film d'Hitchcock par Salvador Dali. Par un juste retour des choses, Hitchcock avouera à son tour l'influence qu'a eue sur lui ce petit film méconnu pour son chef-d'oeuvre "Psychose" qui sortira à peine cinq ans après, s'ouvrant sur le même plan de caméra s'introduisant par la fenêtre d'une chambre d'hôtel. Le film, son ambiance urbaine surréaliste et sombre, influenceront aussi vraisemblablement David Lynche pour son "Eraserhead", et évoque l'univers des premiers films d'Abel Ferrara.

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