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Je raconte mon 22 mars. Ma fille, Léonor, blessée dans le métro. Le coup de téléphone, le cri du cœur quand il se déchire, le souffle coupé, les heures à l’hôpital, les larmes pour les morts, pour les vivants, pour les mères des poseurs de bombes. Je dis la fêlure et l’inquiétude vivace. (…) Tu racontes le fils parti à l’âge de dix-huit ans – la lettre laissée, la stupeur, la dévastation. Tu dis comme le temps coulait à côté de toi et te mettait à distance de tes proches, si chers pourtant. Tu parles de la lame qui t’a traversée quand, à plusieurs reprises, on t’annonçait la mort de ton enfant. C’est ton histoire, ton regard, tes larmes et tes sourires qui m’ont menée vers une page blanche pour ouvrir avec toi une porte sur l’inconnu. Les voir assises. L’odeur du café. Les divines pralines. Le brouhaha. La mère d’une victime et celle d’un combattant en Syrie. Elles ne se connaissaient pas et les événements auraient dû les séparer – il y avait indubitablement assez de tristesse, de honte, d’amertume ou de colère en réserve pour s’y enfermer à jamais. Mais ce qui se déroule ici et maintenant, à leur table, est un miracle de compassion et d’humanité. Extrait de la préface de David Van Reybrouck
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