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Saint Omer n’est pas un simple récit judiciaire. C’est un éblouissement d’écriture, subtil, sur le déterminisme culturel et familial, le cinéma et la maternité avortée. Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement. Elle est une brillante professeure d’université. Elle montre un film ancien où des femmes se font raser la tête, à cause de leur engagement aux côtés des nazis, pendant qu’elle lit Duras. Alice Diop ouvre son très beau Saint Omer sur un mystère: celui de ces femmes qui ont trahi la France, peut-être malgré elles, et qu’on affiche comme des images de propagande pour taire les trahisons invisibles du quotidien, les mensonges au cœur des familles. Puis survient le procès de cette jeune mère, africaine, qui tue son enfant en le noyant dans la mer. Elle figure ce qu’il y a de pire dans un crime: l’infanticide, particulièrement s’il émane d’une mère. Et pourtant, il y a, derrière le visage fier de Laurence, la criminelle, la dignité d’une femme détruite. Saint Omer est un choc cinématographique. Même les défauts de la lumière qui passent de l’éclat à des vibratos plus sombres participent à l’aboutissement d’une œuvre sublime. L’écriture est majestueuse. Les comédiens récitent les dialogues au millimètre près. Pas un écart de langage n’est toléré. Tout se joue dans l’enclos de ces phrases où Rama, l’écrivaine et universitaire, va à la rencontre de la criminelle, Laurence, qui pourrait être son double invisible. En réalité, Alice Diop ne met pas en scène un procès dont la presse s’est nourrie avec délectation. Elle place face-à-face trois personnages dévorés par la complexité, le déterminisme culturel et familial, et la difficulté à être. Saint Omer évoque à bas bruit la discrimination, le mépris, sans jamais tomber dans la pamphlet ou les cris. La réalisatrice s’appuie sur un évènement médiatique pour témoigner des malentendus terribles qui pèsent sur la communauté africaine en France. La bourgeoisie assène des vérités toutes faites sur la culture de cet autre étranger. Et à chaque mot prononcé, chaque regard donné, ce sont des êtres humains qu’on rabaisse à la condition la plus basse tout en se revendiquant d’une forme d’humanisme absolu. Alice Diop décrit la relation d’une femme écrivaine à sa mère, à travers le récit que la jeune criminelle fait de son propre rapport à la maternité, à l’amour et à sa famille. On pressent peut-être à tort que la réalisatrice se met totalement à nu dans ce récit de douleur et de colère. Elle parle de la honte d’être issu de l’immigration et de n’être résumé qu’à cet état migratoire. Elle parle de la possession qui, avant d’être culturelle, est psychiatrique, mais que le roman français cantonne à de vagues croyances de sorcellerie. La cinéaste installe la gêne, le doute, jusqu’à la plaidoirie finale de l’avocate qui décime le substrat de certitude qu’on pourrait se faire de cette mère criminelle. Saint Omer est un immense film. C’est une œuvre dense, mystérieuse, mais surtout très nécessaire. Elle nous apprend à nous méfier de nous-mêmes, de nos vérités, du filtre culturel qui ne cesse de traverser nos regards, dès lors qu’on tente d’apercevoir l’autre. On ressort de ces deux heures totalement bouleversé. Comme si, soudain, on nous avait aidé à penser.
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Bringing a documentarian's sense of open-ended inquiry to her first narrative feature, writer-director Alice Diop constructs a morally and emotionally layered courtroom drama unlike any other. When she travels to Saint-Omer, France, to attend the trial of a young Senegalese woman accused of murdering her infant daughter, novelist Rama finds herself shaken to the core by a case that proves to have profound resonances with her own life. Interweaving complex themes of mother-daughter bonds, immigrant alienation, and postcolonial trauma into a piercing portrait of two mysteriously connected women, Diop forgoes mere questions of guilt and innocence to plumb the unsettling unknowability of the human soul.
Trials (Murder) --- Senegalese --- Saint-Omer (Pas-de-Calais, France)
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