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ULB (3)


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film (3)


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French (3)


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2022 (1)

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Film
A Ciambra

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Abstract

Pio a 14 ans et veut grandir vite. Comme son grand frère Cosimo, il boit, fume et apprend l’art des petites arnaques de la rue. Et le jour où Cosimo n’est plus en mesure de veiller sur la famille, Pio va devoir prendre sa place. Mais ce rôle trop lourd pour lui va vite le dépasser et le mettre face à un choix déchirant. Dans l’une des scènes de Mediterranea, le protagoniste Ayiva faisait la rencontre d’un enfant à la dégaine d’adulte, expert en petits trafics et toujours prêt à demander une cigarette au tout-venant. C’était là la première apparition de Pio, figure-clé (avec Ayiva lui-même) de cette Calabre marginale mise en scène par Jonas Carpignano, et protagoniste à son tour d’un court-métrage intitulé A Ciambra. Récit d’apprentissage, le film décrivait une journée de l’existence de cet adolescent que l’arrestation de son frère poussait à devenir l’homme de la maison et à vivre, dans un mélange d’émerveillement et de brutalité, toutes les étapes d’un passage à l’âge adulte. Trois ans plus tard, Jonas Carpignano confère un souffle et une épaisseur aux intuitions de ce premier court-métrage. Son A Ciambra poursuit ainsi le parcours de Mediterranea, dont il explore le monde bigarré sous un nouvel angle. Après les migrants africains, le cinéaste se focalise sur une autre communauté exclue de la société calabraise : celle des Roms vivant dans le ghetto de la Ciambra, près de Gioia Tauro. Dès lors, si le titre A Ciambra peut s’entendre comme un hommage, il gagne à être interprété de façon littérale: c’est à Ciambra, dans cette enclave isolée du reste de la ville, que se déroule l’existence de Pio et des siens. Carpignano entraîne son spectateur dans ce qui ressemble à un microcosme chaotique et isolé aux marges de la société calabraise, qui s’avère au final n’être ni l’un ni l’autre. L’apparente pagaille cache un fonctionnement bien rodé où les relations avec l’extérieur jouent un rôle décisif, à commencer par les visites d’un boss local, synonymes de « commandes » passées au frère de Pio (des vols de voiture aux cambriolages). Là où Mediterranea enquêtait sur les conditions de vie des migrants africains, A Ciambra vise aussi l’immersion dans un environnement radicalement différent de ce qui l’entoure: comme le dit le grand-père de Pio, « c’est nous contre le reste du monde ». Il n’est pas étonnant, dès lors, que les règles qui valent pour l’extérieur se retrouvent soudainement suspendues une fois le périmètre de la Ciambra franchi. Par la proximité qu’il instaure avec ses personnages, le film donne l’impression d’endosser des verres déformants qui épousent leur perspective. D’où ce mélange de familiarité et d’étrangeté, comme lorsque l’une des sœurs de Pio boit à table sous les réprimandes de son père, qui continue à la servir et finit par boire à son tour dans un fou rire général. Les scènes d’enfants fumant sur un tricycle ou conduisant des voitures, aussi sidérantes soient-elles, n’ont ni valeur de caricature (on aurait pu craindre un portrait façon Affreux, sales et méchants) ni de dénonciation. Elles témoignent davantage de la vitalité exacerbée d’un monde où tout se mélange, et où les plus petits prennent l’apparence perturbante d’adultes en miniature. Alors même qu’il est l’aîné de ce groupe, Pio reste exclu du monde des adultes: le film souligne d’emblée son inadéquation, dont on comprend peu à peu qu’elle n’est qu’en partie liée à une question d’âge. Car le discours de son entourage laisse apparaître une zone d’ombre: celle du rapport aux « Marocains », expression emblématique du racisme made in Italy désignant non pas les Maghrébins, mais les Noirs. Méprisés de tous, les protagonistes de Mediterranea apparaissent ainsi en filigranes, et le rapport de Pio à l’égard de l’altérité qu’ils incarnent ne peut qu’être ambivalent, entre la méfiance distillée par son entourage et son amitié pour la figure tutélaire de Ayiva, migrant originaire du Burkina-Faso. À cette inquiétude s’en ajoute une autre, puisque Pio n’a de cesse d’imaginer l’existence nomade de son grand-père, prenant conscience de l’étroitesse de la vie sédentaire (et ghettoïsée) qui lui échoit. A Ciambra parvient ainsi à formuler un questionnement sur la circulation d’un personnage entre des espaces-temps incompatibles, et les contradictions qui s’ensuivent, à l’image de son protagoniste capable d’entrer chez le tout venant par effraction mais effrayé à l’idée de prendre le train qui permet d’accéder au centre-ville. Ce nouveau film témoigne de la cohérence de la démarche de Carpignano et de son modus operandi, fondé sur l’implication dans le long terme d’acteurs non professionnels (toute la famille de Pio, littéralement), qui jouent ici leur propres rôles entre fiction et vraisemblance. Mais si A Ciambra marque pour le cinéaste une certaine consécration (on songe au prix Label Europa décerné à la Quinzaine de Cannes), il rend également visibles les limites de ses parti-pris, notamment en ce qui concerne une esthétique un peu essoufflée. La mise en scène de ce second film, à l’image de celle de Mediterranea, reste ainsi marquée par l’idée d’une vision parcellaire, impliquée dans les actions des personnages. Mais son application à l’existence virevoltante du camp confère à l’ensemble une allure parfois magmatique qui court le risque de désorienter le spectateur. D’autre part, ce parti-pris naturaliste n’est pas sans évoquer quelques topos cinématographiques, qu’il s’agisse des descentes policières avec leur lot d’arrestations et de guetteurs en fuite, ou des segments où la caméra filme de dos un personnage entrant dans une boîte de nuit. L’impact de cette démarche rivée sur le réel affaiblit les quelques fragments visionnaires du film, sortes d’hallucinations où Pio voit surgir son grand-père ou un cheval: autant de parenthèses qui témoignent un peu naïvement (à l’image de la scène initiale du film) d’un âge d’or où les Tziganes voyageaient libres dans la steppe. Davantage que dans ces passages attendus, l’intelligence du film tient à la façon dont il montre les soubresauts qui animent le parcours de Pio, l’incompatibilité entre sa révolte individuelle et un apprentissage qui le conduit à devenir un adulte comme tous les autres. On espère que l’inspiration de Carpignano saura se renouveler, tout en continuant de sonder les zones d’ombres et les tensions souterraines du petit monde où elle a élu domicile.

Keywords


Film
A Chiara
Authors: --- --- --- --- --- et al.
Year: 2022 Publisher: [France] : Blaq Out,

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Abstract

Chiara, 16 ans, vit dans une petite ville de Calabre, entourée de toute sa famille. Pour les 18 ans de sa soeur, une grande fête est organisée et tout le clan se réunit. Le lendemain, Claudio, son père, part sans laisser de traces. Elle décide alors de mener l’enquête pour le retrouver. Mais plus elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, plus son propre destin se dessine. La Calabre, où il s’est retiré depuis 2010, a inspiré tout le cinéma de Jonas Carpignano et son troisième long métrage, le récit, entre documentaire et fiction, du traumatisme subi par une adolescente lorsqu’elle apprend la raison de la fuite soudaine de son père. Un jeune cinéaste à connaître, auteur de trois long métrages, tous sélectionnés à Cannes. D’un bout à l’autre d’A Chiara, l’héroïne du troisième long-métrage de Jonas Carpignano impose à la mise en scène son rythme heurté. Remuant ciel et terre pour retrouver la trace de son père fugitif, l’adolescente traverse, en furie, de longues scènes bruyantes et étirées. Lors de la longue séquence d’anniversaire qui occupe le premier quart du film, Chiara somme par exemple son père de faire un discours, ce qu’il refuse; pendant une longue minute, le ton monte avant que les larmes ne coulent sur le visage des deux protagonistes. L’intensité construite sur la longueur lors des différentes scènes ne peut déboucher que sur le spectacle d’une déflagration, idée que le film illustrera à deux reprises: d’abord, lors de l’explosion d’une voiture devant le domicile de Chiara, puis lorsqu’elle jette un pétard enflammé au visage d’une enfant Rom. La trajectoire du personnage suppose donc qu’au fil de ses recherches, elle apprenne à maîtriser cette énergie débordante, marque laissée par l’ « hérédité violente » qui lie des membres de sa famille, tous ayant fait allégeance à la ‘Ndrangheta (mafia calabraise dont le père de Chiara est l’un des lieutenants). En contrepoint de ce déchaînement de violence, le sport constitue un vecteur de libération pour la jeune femme: le film se clôt ainsi sur un plan où Chiara atteint la lignée d’arrivée d’une piste d’athlétisme avant de disparaître dans la profondeur de champ, manière assez pesante de signifier qu’elle s’est libérée de son lourd atavisme familial. Si les intentions du film de Jonas Carpignano sont claires – seule la témérité d’une femme indignée peut venir à bout de la loi du silence imposée par la mafia –, l’exécution manque de finesse. Alternant les scènes d’hystérie et les joutes oratoires brutales sans temps morts, il impose son discours à coup de massue sans prendre le temps de ménager de véritables moments de respiration. On ressort de la séance groggy, mais surtout lassé par les automatismes d’une écriture monolithique.

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Film
Mediterranea

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Ayiva quitte le Burkina Faso, traverse la Méditerranée et rejoint le Sud de l’Italie. Rapidement confronté à l’hostilité de la communauté locale, sa nouvelle vie s’avère difficile. Mais Ayiva reste déterminé: ici sa vie sera meilleure, quel qu’en soit le prix. Remarqué lors de la dernière Semaine de la critique cannoise (nomination à la caméra d’or et au prix SACD), Mediterranea, premier long-métrage de Jonas Carpignano, a déjà attiré une attention critique non négligeable, notamment en Italie. Attention à laquelle n’est pas étrangère la figure atypique de Carpignano, jeune trentenaire italo-afro-américain ayant participé aux Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin, et parti s’installer en Calabre après les émeutes de Rosarno en 2010. C’est là qu’il réalise ses deux premiers courts-métrages: A Chjana (2010) retraçant les dynamiques ayant conduit aux émeutes de Rosarno, et A Ciambra (2014) portant sur la vie de Pio, jeune enfant rom que nous retrouvons dans ce volet. Mediterranea est à la mesure de ce parcours intriguant. Le film, développé dans le Sundance Screenwiters Lab par Carpignano en partant de son premier court-métrage, semble jouer sur deux échelles. Si sa production (Qatar, États-Unis, Allemagne, France, Italie) aussi bien que la présence de deux noms clés des Bêtes du Sud sauvage, (Benh Zeitlin et Wyatt Garfield, respectivement comme compositeur et directeur de la photographie), témoignent de sa visée internationale, celui-ci s’appuie dans le même temps sur une équipe locale d’acteurs non professionnels rencontrée sur place et côtoyée par le réalisateur durant ces cinq dernières années. De par les liens étroits qui unissent Carpignano à ceux qu’il dépeint, Mediterranea apparaît comme n’étant ni un film consacré à la traversée de la Méditerranée, ni une fiction centrée sur les émeutes de la petite ville calabraise de Rosarno, l’un des cas les plus connus de révolte immigrée dans l’Italie du sud. Ou plutôt, en nous montrant le parcours du protagoniste Ayiva et de son ami Abas, partis du Burkina Faso, de l’Algérie à la Calabre, leur insertion difficile dans ce nouvel espace, et la révolte finale correspondant aux émeutes, le film tente de capter la phase centrale, névralgique, qui unit les deux temps plus « médiatisés » de la migration (le voyage et la révolte). En ce sens, on comprend que Mediterranea soit conçu par son auteur comme un titre au pluriel, car l’enjeu est ici de montrer l’interaction du protagoniste avec les différents mondes qu’il traverse. La richesse de milieux au sein desquels Ayiva évolue créé ainsi une oscillation systématique entre familiarité et dépaysement: la multiplicité des langues (arabe, italien, français, anglais, bissa, dialecte calabrais) et des territoires laissant place à des références communes, notamment une culture pop dont Rihanna constitue ici l’archétype, tout autant qu’à l’omniprésence des nouvelles technologies (Facebook, Skype, lecteurs MP3). Le film propose donc un portrait en évolution de la manière dont Ayiva et Abas affrontent leur situation, et fait émerger les différences de comportement et de stratégie dont tous deux font preuve, insistant sur la part subjective de leurs choix (lien essentiel avec Hope, son « prédécesseur » à la Semaine de la critique cannoise l’an passé). À cet égard, il eût sans doute gagné à exploiter davantage la dissension latente entre les deux hommes, celle qui pousse Abas à se révolter et Ayiva à survivre, avant de rejoindre son ami lors des émeutes. Il révèle aussi l’instabilité de cette nouvelle existence, toujours minée par une tension latente, qui émerge moins dans la monstration crue des fléaux qui frappent les migrants (prostitution, violence, pauvreté) que dans des micro-événements à l’évidente charge dramatique: ainsi du moment où la fille du patron renverse par pur plaisir, hostile et rieuse, les caisses d’orange que Ayiva charge sur un camion. Instabilité et transformation sont autant d’aspects que l’on retrouve dans le regard de Carpignano: un regard immersif, si proche des personnages qu’il en dégage une vision fragmentée et dominée par le mouvement. Une telle spécificité se rapproche des déambulations visuelles qui rythmaient déjà Gomorra. Mais surtout, elle évoque un autre film « jumeau » de Mediterranea par ses thématiques, malheureusement cantonné à une distribution italienne: Là-bas, primé à Venise en 2012, qui portait sur le massacre de migrants africains par la mafia à Castelvolturno en 2008, prémisse à l’une des premières révoltes immigrées. Dans les deux cas, se fait jour une exigence commune: humaniser les acteurs de l’immigration et leurs parcours; révéler la facette dynamique, plurielle et problématique du phénomène migratoire en l’investissant à rebours de sa lecture médiatique. C’est un tel engagement qui anime, avec ses limites et ses élans, le premier long-métrage de Carpignano.

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