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Sur l'horizon de la poésie française, Supervielle apparaît comme une brumeuse silhouette, une fumée volcanique absolument étrangère à notre paysage. Il n'a ni l'éclat du lyrisme, ni la précision oratoire des classiques, ni la rêverie des romantiques, mais une simplicité exigeante qui recouvre bien des conflits intérieurs. On le voit sur les confins de la perception, un espace où s'exerce l'Oublieuse mémoire, cette part d'obscurité dérobée à l'intime, à l'instant où déjà elle ne lui appartient plus. Derrière lui, la gigantesque Cordillère des Andes, un horizon hagard de pampa, un continent neuf, où plane encore une sorte d'horreur cosmique et d'énorme fantaisie créatrice, où les éléments ne sont pas encore domestiqués : elle semble traduire les messages d'une autre perception. Poésie du Nouveau Monde où s'exprime une sensibilité penaude et télépathique, une intelligence sourde et protéiforme, qui installe en nous, dans une proximité surprenante, l'énigme d'un changement indéfini, - une migration intérieure qu'il faut risquer avant de l'éprouver comme une ressource. Cette poésie à nulle autre pareille, difficile à classer parmi les courants qui se sont succédés tout au long du siècle, a cependant réussi à rallier les suffrages des grands écrivains contemporains (Breton, Paulhan, Michaux, Cocteau entre autres) : c'est eux qui le sacrèrent en 1960 Prince des poètes.
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