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Philosophe peu soucieux de se reconnaître tel, Kierkegaard partage avec quelques autres géants, avec Nietzsche par exemple, le privilège, si c’en est un, de trouver de nombreux lecteurs parmi les non philosophes. La question, ici, n’est pas de se demander s’il faut voir en lui un antiphilosophe, comme le voulait Sartre. Ni de rappeler, même si c’est vrai, et la présente édition ne néglige pas tout à fait cet aspect de son œuvre, qu’il fut aussi ou surtout un penseur religieux. Il s’agit plutôt de souligner ce qui saute aux yeux quand on ouvre ses livres : les ouvrages philosophiques de Kierkegaard ne sont pas écrits comme le sont habituellement les traités de philosophie. Généralement dissimulé sous des pseudonymes qui brouillent les cartes, leur auteur est un digter. Le danois digt renvoie à la fantaisie, à l’imagination, à la rêverie, à la fiction même. Digter est souvent traduit par « poète ». Et de fait les «Diapsalmata» (dans Ou bien… o u bien) ou l’éloge d’Abraham (dans Crainte et tremblement) sont de véritables poèmes en prose, tandis que d’autres textes («Journal du séducteur», «Coupable… non coupable») pourraient passer pour des chapitres de romans, que certaines pages, telle l’histoire de ce roi amoureux d’une jeune fille dans les Miettes philosophiques, semblent relever du conte, et que d’autres encore, par exemple la marche d’Abraham et d’Isaac dans Crainte et tremblement, ont une structure dramatique. est faible) de ce Danois dans le luthéranisme, dans son milieu (piétiste) et dans son époque (romantique). Il serait évidemment vain de prétendre n’expliquer Kierkegaard, cette énigme, que par sa sensibilité à la figure de son puritain de père, par sa rupture avec la trop célèbre Régine Olsen, ou par la violence de ses querelles avec l’Église danoise. Mais tout aussi inutile (et l’on s’est efforcé d’éviter cet écueil dans ces volumes) d’exiger de lui des réponses à des questions philosophiques qu’en son temps il ne pouvait pas se poser. C’est d’autant moins utile que les questions qu’il se pose sont de tous les temps et que chaque génération pourrait, pour des raisons qui lui seraient propres et seraient chaque fois différentes, faire siens les propos de Denis de Rougemont qui en 1934, dans le contexte de la montée des totalitarismes, voyait en Kierkegaard «le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue , la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l’éternel».
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Filosofie --- Kierkegaard, Soren --- Philosophie --- Kierkegaard, Sören Aabye
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Prendre la répétition pour la clé herméneutique de lecture des textes de Kierkegaard permet de resituer son oeuvre dans un contexte contemporain marqué par le dépassement de la métaphysique et la réflexion sur le langage. La lecture existentialiste de Kierkegaard est-elle la seule possible ? Une lecture de Kierkegaard qui le rapprocherait des positions post-métaphysiques ne serait-elle pas convenable ? Kierkegaard suggère lui-même cette direction lorsqu'il recentre sa pensée sur la catégorie de répétition.
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Kierkegaard a donné à sa philosophie le nom d'existentielle ; il sait certes aussi bien que tout le monde que du point de vue de la philosophie spéculative, la philosophie existentielle est la pire des absurdités. Mais cela ne l'arrête pas, cela le ravit au contraire. C'est dans l'"objectivisme" de la philosophie spéculative qu'il voit son vice essentiel. "Les hommes, écrit-il, sont devenus trop objectifs pour obtenir la béatitude éternelle, car la béatitude éternelle consiste justement en un intérêt personnel infiniment passionné". Et cet intérêt infini est le commencement de la foi ".
Metaphysics --- Kierkegaard, Søren --- Kierkegaard, Søren, - 1813-1855
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Etre soi, devenir soi : c'est la grande injonction adressée à l'individu moderne. Il doit se trouver et se réaliser : ne plus s'inscrire dans une famille, dans une tradition, dans un monde qui auraient balisé pour lui les voies du possible. Formidable promesse. Sauf que l'on découvre depuis quelques décennies la démesure de l'ambition. Et si l'individu n'avait pas en lui-même, dans son intimité et dans sa volonté, la force suffisante pour s'affirmer ? Incapable d'être le héros de sa propre vie, le voilà qui désespère, déprime. Ce que l'on appelle " la fatigue d'être soi ". Seul antidote : qu'un événement, une rencontre l'arrachent à lui-même et le portent au-delà. C'est le remède proposé il y a un peu plus d'un siècle par le philosophe danois Soren Kierkegaard. Souvent présenté comme le père de l'existentialisme, l'auteur du Journal du séducteur et du Concept d'angoisse a élaboré une critique stimulante du souci de soi : il faut un appel venu du dehors, une parole à moi adressée et à laquelle je ne peux me dérober pour que je trouve mon chemin dans l'existence. En parcourant la vie ombrageuse de Kierkegaard, en se glissant dans les doubles qu'il n'a cessé d'inventer, en confrontant enfin sa proposition à celles des grands écrivains et philosophes de son siècle, Philippe Chevallier livre une interprétation originale de son oeuvre. Et offre au lecteur une proposition existentielle très actuelle : la vérité n'est pas au fond de soi, mais au dehors.
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