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Le 49e traité des Ennéades reprend le précepte delphique « connais-toi toi-même », mais d’une manière surprenante pour des lecteurs modernes. Le « soi-même » dont il est question n’est pas en effet le moi empirique, considéré dans sa singularité et son histoire personnelle et sociale. Ce n’est pas un moi donné à une introspection, un examen de conscience, ou à des techniques d’analyse, c’est un « soi » à constituer par identification progressive avec ce qui, en lui, est plus haut que lui. Ce traité nous exhorte donc moins à connaître ce que nous sommes qu’à devenir ce que nous devons être si nous voulons être véritablement nous-mêmes. Il indique un chemin à parcourir, qui s’achève sur le célèbre et paradoxal « retranche tout » : seul le plus grand dépouillement est accès à ce qui, incomparablement meilleur que soi, ne peut s’atteindre que par la plus intense concentration sur soi. Tous les grands thèmes de la pensée de Plotin sont ici présents, et aussi toutes ses difficultés. Les articles de ce volume constituent donc non seulement un précieux instrument d’étude de ce traité particulier, ils sont un moyen d’accès à la philosophie de Plotin dans son ensemble; plus essentiellement, ils offrent une occasion de réfléchir à ce qui peut, à bon droit, se nommer connaissance de soi, et mieux encore, à ce qui peut être reconnu comme étant « soi-même ».
Classics --- Philosophy --- connaissance --- introspection
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La question du Philèbe, ce dialogue mal aimé des platonisants, est finalement la plus simple et la plus énigmatique de toutes : celle du rapport entre la vie et la pensée. La vie a l’illusion de se suffire quand elle se fait plaisir, mais cette illusion, c’est la pensée qui la dénonce et non la vie ; la pensée est certaine de se suffire quand elle pense, mais elle ne se suffit que parce qu’il y a un plaisir de pensée, et la vie reprend son bien. Si la question est là, il n’y a pas à la résoudre : dans le mélange nous sommes. Mais comment le composer ? Il faut alors différencier les plaisirs, les hiérarchiser, en rejeter certains et en retenir d’autres. Mais il reste que le plaisir est, de la vie, une profondeur, un éclat, que la pensée est impuissante à récupérer. L’illimitation de la vie, quand la vie fait miroiter cette promesse infinie de délices, se moque de toute dialectique. Elle est ce que la pensée ne peut que laisser échapper, en le sachant. Ce que la pensée laisse ainsi filer n’a rien de consistant, ni même d’existant, mais c’est cela aussi vivre : être séduit par le mirage de la vie. Que le mirage soit décevant ne suffit pas à le réfuter. Le plaisir est le bien tel que le désire la vie : qu’arrive-t-il à la pensée quand elle s’y confronte ? Elle n’a pas le beau rôle. Elle peut au moins tenter de ne pas être morose, ou morale, de ne pas « chagriner le plaisir ». Mais elle ne peut pas parler au nom de sa vérité propre : elle ne peut que revendiquer le fait d’être au principe d’une meilleure vie. Et montrer que prendre parti pour l’illimité de la vie, c’est prendre parti pour son contraire, qui n’est même pas une mort mais une défaite et une décomposition : telle est la fêlure du plaisir.
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